Les régions autonomes nous rendent-elles plus heureux ?

La quête du bonheur est un droit inaliénable. Elle figure même dans la Déclaration d'indépendance des États-Unis. C'est pourquoi ce pays a organisé ses pouvoirs de la manière la plus propice à son accomplissement (en l'occurrence, un modèle d'organisation fédéral). Une étude publiée par Publius, The Journal of Federalism, confirme que l'organisation décentralisée d'un État contribue significativement au bonheur de ses citoyens. Les auteurs de cette étude sont Ignacio Lago, Cristina de Gispert, Núria Bosch et Maite Vilalta, professeurs à l'UPF et à l'UB.
La thèse centrale de l'étude « Décentraliser le bonheur » se résume ainsi : « Les pays dotés de structures gouvernementales décentralisées affichent des niveaux de bonheur plus élevés. » De plus, le bonheur est accentué « lorsque les services locaux sont financés par des transferts des niveaux supérieurs de gouvernement, plutôt que par des impôts locaux. » Naturellement, de nombreux autres facteurs contribuent au bonheur collectif. En effet, le bonheur varie considérablement d'un pays à l'autre (de 2,38 en Afghanistan à 7,78 en Finlande, sur une échelle de 0 (le plus bas) à 10 (le plus élevé).
Le bonheur est plus grand lorsque les territoires autonomes sont financés par des transferts et non par leurs propres impôts.Il est donc logique de se demander quels facteurs influencent réellement le bonheur. Mais il est également vrai qu'il existe une corrélation positive prévisible entre bonheur et décentralisation. Premièrement, la décentralisation budgétaire offre des gains potentiels en termes de bien-être en permettant une allocation plus efficace des ressources du secteur public. Deuxièmement, les collectivités territoriales infra-étatiques (les communautés autonomes en Espagne) permettent une prise de décision plus localisée, ce qui peut conduire à des politiques mieux adaptées aux besoins et aux préférences des populations régionales. Sans oublier que la proximité des institutions avec les habitants renforce le contrôle citoyen sur la gestion publique.
Ainsi, depuis la Seconde Guerre mondiale, la gouvernance s'est de plus en plus décentralisée. L'Espagne occupe une place essentielle dans cette « ère de régionalisation ». Cependant, l'étude n'ignore pas l'importance des variables de contrôle (pour le bonheur) telles que le PIB par habitant, le taux de chômage, le score de démocratie ou l'espérance de vie. Cependant, « si les conditions économiques sont essentielles, la qualité des institutions politiques influence également significativement le bonheur collectif ». L'étude constate également « qu'à mesure que les pays se développent, la qualité de la gouvernance devient un déterminant plus important de la satisfaction de vie ». De plus, les données révèlent que « les effets de la décentralisation sur le bonheur ne diffèrent pas beaucoup entre les pays développés et les pays en développement ».
Les politiques locales sont plus efficaces pour réduire les inégalités dans des domaines cruciaux tels que l’éducation et les soins de santé.À partir de là, et après avoir pesé les différents facteurs qui influencent le bonheur, l'étude de la « boîte noire de la décentralisation » nous a permis d'« examiner les mécanismes spécifiques qui influencent son effet sur le bonheur ». Selon l'étude, « plus les collectivités territoriales disposent de ressources, mieux elles peuvent répondre aux besoins des citoyens ». Et plus les dépenses des collectivités territoriales sont importantes, plus le bonheur est grand, car « la décentralisation et les politiques locales peuvent être plus efficaces pour réduire les disparités et améliorer l'efficacité des dépenses » (dans des domaines cruciaux tels que l'éducation, la santé et les infrastructures).

La corrélation entre décentralisation et degré
du bonheur
Part des dépenses totales décentralisées
Source : Décentraliser le bonheur

La corrélation entre décentralisation et degré
du bonheur
Part des dépenses totales décentralisées
Source : Décentraliser le bonheur

La corrélation entre la décentralisation et le degré de bonheur
Part des dépenses totales décentralisées
Source : Décentraliser le bonheur

Cependant, « les avantages perçus d'une prise de décision localisée sont étroitement liés à l'effet psychologique de l'illusion fiscale ». Autrement dit, « les citoyens ne perçoivent pas le coût réel des services publics locaux lorsqu'ils sont financés par des transferts ». Au contraire, « si le financement infranational (régional en Espagne) provient des impôts locaux, les citoyens ont une meilleure perception du coût des services publics décentralisés ». Et ce « coût ou cette charge fiscale affecte négativement leur sentiment de bonheur ». Autrement dit, « le bonheur varie selon que le modèle de financement infranational repose davantage sur les impôts ou les transferts ». Par conséquent, « le financement (territorial) par les impôts (régionaux) tend à diminuer le bonheur ».
La satisfaction moyenne est de 6,7 dans les pays décentralisés, contre 5,5 dans ceux sans régions autonomes.Enfin, les chiffres de l'étude confirment ses hypothèses. Les pays centralisés, sans régions ni communautés autonomes, affichent un score de bonheur moyen légèrement supérieur à 5,5. En revanche, « les pays décentralisés, dotés d'unités infraétatiques indépendantes, affichent un score de bonheur moyen nettement supérieur, autour de 6,7 ». À l'échelle mondiale, les États unitaires affichent un indice de bonheur moyen d'environ 5,4, tandis que les États fédérés enregistrent un score moyen plus élevé : environ 6,0. Attention, prophètes de l'apocalypse territoriale.

Proportion des dépenses infraétatiques par rapport aux dépenses publiques totales du pays
Proportion des dépenses totales décentralisées (0 à 1)
Source : Décentraliser le bonheur

Proportion des dépenses infraétatiques par rapport aux dépenses publiques totales du pays
Proportion des dépenses totales décentralisées (0 à 1)
Source : Décentraliser le bonheur

Proportion des dépenses infraétatiques par rapport aux dépenses publiques totales du pays
Proportion des dépenses totales décentralisées (0 à 1)
Source : Décentraliser le bonheur

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