Bague au pouce, montre à l’envers, créole unique... Que disent nos bijoux (parfois malgré nous) ?

Lorsqu’en septembre dernier, au premier rang du défilé Bottega Veneta à Milan, l’acteur sexy Jacob Elordi portait sa Tank de Cartier retourné au poignet, il n’imaginait sans doute pas créer un tel débat. À la vue de ce cadran à l’envers posté sur les réseaux sociaux, des milliers de groupies y voyaient la preuve qu’il était en couple. «J’ai l’impression d’être au lycée, nous disait une collègue. Dans les années 1990, les garçons retournaient leur montre quand ils voulaient montrer qu’ils avaient le cœur pris !» Pourtant, depuis ces photos, peu de nouvelles de la vie amoureuse de l’Australien d’1m96 qui adore cultiver le mystère et dont on ne sait donc toujours pas s’il est célibataire.

Cadran retourné, chevalière à l’annulaire ou boucle d’oreille à droite, la façon de porter sa montre ou ses bijoux peut être mal interprétée ou mal vue. À bon entendeur, salut.

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Héritage des anciens Romains, la bague de fiançailles (et de mariage), se porte à l’annulaire de la main gauche. Selon cette croyance et appuyée par la médecine du III^e siècle avant JC, ce doigt serait directement relié à la vena amoris (en latin, la veine de l’amour). Toutefois, même si l’histoire est belle, il faut rétablir la vérité. Cette veine n’existe pas. Et pourtant la tradition perdure.

Les pirates et les marins avaient coutume d’habiller leur oreille gauche d’une créole en or pour une raison qui dépasse le style: si jamais ils mouraient en mer et que leur corps s’échouait en terre inconnue, la vente de leur boucle d’oreille permettait de payer leurs funérailles. Au XX^e siècle, nombreux sont les hommes qui ont copié ce porter, en gage de virilité ou pour affirmer leur haut rang. Plus la créole était volumineuse, plus son propriétaire montrait son haut rang dans la société.

Et quid de la boucle d’oreille placée à droite? Dans les années 1980, elle était pour la communauté gay un signe de reconnaissance. Mais de nos jours, alors que l’on vit librement son orientation sexuelle dans nos sociétés, l’anneau à droite est simplement un effet de style.

Le bijou remonte aux chevaliers - les seuls après le roi à obtenir le droit de porter une bague au doigt - faisant office de sceau pour les documents juridiques. Les bonnes familles se sont ensuite approprié la chevalière pour marquer la position dans la succession: annulaire gauche pour l’aîné de la fratrie; auriculaire droit pour les benjamins et cadets. De même, montrer ou retourner les armoiries est également porteur de sens: vers le ciel, en position de baisemain, le gentilhomme indiquait son célibat; à l’envers ou en bagarre (c’est-à-dire vers le cœur), il signalait être fiancé ou marié.

Dans les années 1970, cet attribut de la noblesse devient le signe de ralliement des rockeurs et des punks qui en portent plusieurs en même temps. Aujourd’hui, sa symbolique s’est en grande partie perdue. Les trentenaires des quartiers gentrifiés adorent porter la version la plus classique, en or et gravée, à l’annulaire pour un look viril à l’image des acteurs Tom Holland et Paul Mescal.

À partir du Moyen-Âge, les veuves portaient parfois l’alliance ou la chevalière de leur époux défunt. Si le bijou était trop large, elles l’arboraient au pouce ou le montaient en pendentif sur une chaîne. à la fin du XIX^e siècle, la première génération de féministes s’empare de cette bague au pouce pour dénoncer la pression faite aux femmes pour se marier.

Plus récemment, les membres de la communauté LGBTQIA+ en ont fait un signe distinctif. Mais on peut aussi y voir une preuve d’affirmation de soi et un goût pour les bijoux volumineux étant donné que ce doigt est plus large que les autres.

Bien qu’on aperçoive la première montre-bracelet au XIXe siècle - avec la création de Patek Philippe pour la comtesse hongroise Koscowicz - elle ne se démocratise qu’après la Première Guerre mondiale. Pour une question pratique et mieux la conserver, les gens la portent au poignet opposé de leur préférence manuelle. Étant donné qu’environ 90% de la population est droitière, la montre s’est imposée à gauche...

Mais certains droitiers choisissent tout de même le poignet droit pour se faire remarquer ou par superstition comme le réalisateur Jean-Pierre Melville, cardiaque, qui trouvait que les montres le gênaient à gauche. Un détail repris par Alain Delon pour son personnage culte de Jeff Costello dans Le Samouraï (1967). Il arbore ainsi sa Baume & Mercier inversée au poignet de la main droite. Ce cadran retourné évoque aussi les habitudes des militaires voulant protéger le verre dans les manœuvres mais aussi éviter de se faire repérer à cause des reflets... Plus trivialement, de nos jours, certains retournent leur montre simplement pour consulter l’heure de façon plus discrète...