L’armoire de fer, sanctuaire des précieuses archives qui racontent l’histoire de France

Sous les moulures dorées de l’hôtel de Soubise, à Paris, trône le manuscrit de l’Appel du 18 juin du général de Gaulle, offert à l’État par sa famille. Depuis mercredi 18 juin et jusqu’au 1ᵉʳ septembre, cette pièce sera exposée dans une vitrine avant de rejoindre « l’armoire de fer » des archives nationales. Derrière les portes de ce coffre-fort, il côtoiera quelques-uns des documents les plus précieux du récit national.
Cette armoire de fer, créée après la Révolution française, a d’abord été installée aux Tuileries pour garder les outils de fabrication de la monnaie révolutionnaire. Elle sert ensuite à rassembler et protéger tous les actes de la nouvelle Assemblée nationale. Elle devient alors le dépôt officiel des constitutions, lois et décrets révolutionnaires, avant d’être transférée, en 1808, à l’hôtel de Soubise.
Sous l’impulsion de Jules Michelet, chef de la section historique des Archives nationales, elle est enrichie de documents jugés fondateurs. Une tradition de conservation qui lui a survécu. Aujourd’hui, elle recèle près de 1 150 témoignages de l’histoire de la France.
Parmi les premiers écrits accueillis figure le registre des séances et serments du Jeu de Paume. Ces 699 pages consignent la promesse solennelle des députés de ne pas se séparer avant de s’être accordés sur la Constitution. À ses côtés, la version certifiée de la Constitution de 1791, enchâssée entre deux plaques de cuivre pour échapper aux destructions. La Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, gravée sur une plaque de bronze, complète ce triptyque.
Les derniers instants de monarchie absolue sont conservés derrière ces portes d’acier. Il est possible d’y lire le testament de Louis XVI, rédigé dans la prison du Temple. Le roi y pardonne ses ennemis, réfute les accusations de trahison et conseille à son fils, s’il montait un jour sur le trône, de renoncer à toute vengeance. À côté, la lettre inachevée de Marie-Antoinette. Écrite dans la nuit du 16 octobre 1793 à la Conciergerie, elle confie la garde de ses enfants à sa sœur et adresse ses derniers mots à celle qui ne les lira jamais.
L’armoire abrite aussi les témoins de la révolution scientifique. Parmi lesquels, le procès-verbal du dépôt des prototypes du mètre et du kilogramme, daté du 22 juin 1799. Ce document d’archive décrit la remise aux Archives nationales des prototypes en platine du mètre et du kilogramme – fruits du travail de Borda, Monge et Lavoisier – et en fixe officiellement les caractéristiques et les conditions de conservation.
À l’image de son histoire, les archives qui s’y cachent dépassent les frontières de l’Hexagone. La loi constitutionnelle du 25 juin 1992, qui a rendu possible la ratification du traité de Maastricht transformant la Communauté européenne en une union politique et économique a été déposée en 1996.
Plus loin c’est l’histoire de la colonisation française qui s’écrit. Comme la lettre de l’émir algérien Abd el-Kader de 1852, rédigée en arabe, où il fixe les conditions de sa reddition et de son exil.
Les traces de la diffusion du christianisme hors d’Europe y sont aussi entreposées. Parmi elles, quelques lettres datées de 1743, rédigées à Pékin par des supérieurs jésuites en faveur de l’évêque Polycarpe de Souza. Écrites en latin et en chinois, elles relatent les tensions théologiques liées au syncrétisme – ce mélange de croyances locales et de doctrine chrétienne.
Le manuscrit de l’Appel du 18 juin va côtoyer d’autres témoignages de l’histoire récente. En 2021, deux microcapsules, grandes comme des grains de riz, ont été ajoutées. Elles renferment des brins d’ADN synthétique sur lesquels sont codées la Déclaration des droits de l’homme mais aussi la Déclaration de la femme et de la citoyenne d’Olympe de Gouges. À l’abri de l’air et de l’humidité, ces petits réservoirs garantissent un archivage durable de ce qui se veut un symbole de la rencontre des avancées scientifiques et sociales.
La Croıx