Les États-Unis attaquent l’Iran : sites visés, objectifs de Trump, réactions… Ce que l’on sait ce dimanche

Selon Donald Trump, des avions ont frappé trois des principaux sites nucléaires iraniens : Ispahan, Natanz et Fordo, sur lequel a été larguée une « charge complète de bombes ». Construite en violation des résolutions de l’ONU, l’installation souterraine de Fordo (centre) a été présentée par Téhéran comme une usine d’enrichissement d’uranium à taux élevé pouvant accueillir quelque 3 000 centrifugeuses.
L’usine de Natanz (centre), elle, est sans doute le plus connu des sites nucléaires iraniens. Son existence a été révélée en 2002. Elle compte deux bâtiments, l’un souterrain, l’autre en surface, pour un total de près de 70 cascades de centrifugeuses - soit plus de 10 000 de ces machines utilisées pour enrichir l’uranium. L’installation d’Ispahan (centre) est pour sa part une usine de conversion. Elle permet de produire des gaz nécessaires à l’enrichissement d’uranium.
Un risque de contamination ?Sur les sites frappés, l’autorité iranienne de sécurité nucléaire a affirmé n’y avoir détecté « aucun signe de contamination ». « Aucune hausse des niveaux de radiation n’a été signalée » aux abords de ces sites, a également indiqué l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA), dont le chef, Rafael Grossi, a annoncé une « réunion d’urgence » lundi.
Donald Trump n’a pas donné de détails sur les armes utilisées pour frapper le programme iranien. Mais compte tenu de la configuration souterraine de Fordo, des bombes anti-bunker de type GBU-57 ont probablement été larguées. Ces ogives de 13 tonnes peuvent s’enfoncer jusqu’à 60 mètres de profondeur avant d’exploser, d’après l’armée américaine. Elles se distinguent en cela de la plupart des missiles ou autres bombes, qui détonent à l’impact. Selon les experts, seuls les États-Unis avaient la capacité de détruire les sites iraniens profondément enfouis, comme Fordo.
Les seuls appareils en mesure de transporter des GBU-57 (deux par avion) sont les bombardiers américains furtifs B-2 Spirit. Avant l’attaque de dimanche, des sites de suivi de vols et le New York Times avaient rapporté que plusieurs de ces aéronefs étaient partis des États-Unis, vers l’ouest. Les B-2 Spirit peuvent voler sur 9 600 kilomètres sans ravitaillement et sont faits pour « pénétrer les défenses de l’ennemi les plus sophistiquées et menacer ses cibles les plus importantes et les plus solidement défendues », d’après l’armée américaine.
Quelle riposte de l’Iran ?L’Iran, qui dément vouloir se doter de l’arme atomique et défend son droit à un programme nucléaire civil, a riposté par des vagues d’attaques de drones et de missiles balistiques sur le territoire israélien, la plupart interceptés par les systèmes de défense. L’agence de presse iranienne Irna a fait état du tir de 40 missiles sur Israël, où 16 blessés ont été recensés par les secours israéliens et de nombreux dégâts observés par des journalistes. À Ness Ziona, dans le centre d’Israël, secouristes et soldats s’affairaient dans un lotissement où une habitation au moins a été détruite et d’autres lourdement endommagées, selon des images.

AHMAD GHARABLI/AFP
Même scène à Ramat Aviv, un quartier résidentiel de Tel-Aviv, où des images ont montré une succession de maisons détruites. Les forces armées iraniennes ont déclaré avoir notamment ciblé l’aéroport international Ben Gourion, près de Tel-Aviv. Elles ont parlé de l’utilisation « pour la première fois » de missiles balistiques à têtes multiples, pour des frappes « plus précises et destructrices », selon Irna. Après l’attaque américaine, Israël a fermé son espace aérien et relevé son niveau d’alerte sur tout le territoire. L’armée israélienne a aussi annoncé une nouvelle série de frappes en Iran.
Saluant une attaque « très réussie » sur trois sites nucléaires iraniens, Donald Trump a déclaré que « les installations essentielles d’enrichissement nucléaire de l’Iran ont été intégralement et totalement détruites. L’Iran, le caïd du Moyen-Orient, doit maintenant faire la paix », a déclaré Donald Trump à la Maison Blanche. Sinon, « les prochaines attaques seront bien plus importantes », a-t-il menacé. Avant l’attaque massive lancée le 13 juin par Israël contre l’Iran, Téhéran et Washington avaient repris depuis avril des pourparlers via la médiation d’Oman pour un accord nucléaire, butant sur l’exigence américaine, rejetée par l’Iran, d’un arrêt total de l’enrichissement d’uranium.
Quelles réactions ?Le secrétaire général de l’ONU Antonio Guterres s’est inquiété d’une « dangereuse escalade ». Oman a condamné une « agression illégale » et appelé à « une désescalade immédiate », alors que la Grande-Bretagne a exhorté l’Iran à « revenir à la table de négociations ». Le Premier ministre israélien Benyamin Netanyahou, a félicité dans un message vidéo Donald Trump pour cette attaque, lancée, a-t-il dit, « en parfaite coordination » avec Israël. Donald Trump impose ainsi un « tournant historique qui peut aider à conduire le Moyen-Orient […] vers un avenir de prospérité et de paix », a-t-il assuré.

ATTA KENARE CHARLY TRIBALLEAU/AFP
Le chef de la diplomatie iranienne, Abbas Araghchi a condamné des « événements scandaleux (qui) auront des conséquences éternelles », dénonçant le « comportement extrêmement dangereux, anarchique et criminel » de Washington. « L’Iran se réserve toutes les options pour défendre sa souveraineté, ses intérêts et son peuple », a-t-il ajouté, son ministère estimant ensuite que les frappes américaines démontraient que les États-Unis ne reculaient devant « aucun crime » pour soutenir Israël. L’Organisation de l’énergie atomique du pays a, elle, affirmé que les raids américains « n’arrêteront pas » le programme nucléaire.
La cheffe de la diplomatie de l’Union européenne, Kaja Kallas, a appelé à une désescalade et à un retour aux négociations : « J’exhorte toutes les parties à faire un pas en arrière, à revenir à la table des négociations et à éviter toute escalade supplémentaire », a-t-elle écrit. L’Allemagne a appelé l’Iran à « entamer immédiatement des négociations » avec les États-Unis. « L’escalade dangereuse actuelle dans la région peut entraîner des conséquences catastrophiques tant au niveau régional qu’international », a affirmé le ministère qatarien des Affaires étrangères, appelant « toutes les parties à faire preuve de sagesse, de retenue et à éviter toute nouvelle escalade ».
Et maintenant ?En donnant l’ordre de bombarder des sites nucléaires iraniens, Donald Trump a fait le pari de la force plutôt que celui de la diplomatie, un virage stratégique de Washington face à Téhéran aux conséquences difficiles à mesurer pour les experts. « Nous ne saurons si (ce pari) est réussi que si, d’ici trois à cinq ans, le régime iranien n’a pas acquis les armes nucléaires qu’il a maintenant de bonnes raisons de vouloir obtenir », déclare Kenneth Pollack, vice-président du Middle East Institute et lui-même ancien analyste de la CIA.
Mais pour Trita Parsi, vice-président exécutif de l’Institut Quincy pour une politique d’État responsable, avec la décision de bombarder, « il est maintenant plus probable que l’Iran devienne un État doté d’armes nucléaires dans les cinq à dix ans ». « Nous devrions faire attention à ne pas confondre le succès tactique et le succès stratégique », ajoute-t-il. « La décision de Trump de mettre abruptement fin à ses propres efforts diplomatiques rendra également beaucoup plus difficile la conclusion d’un accord à moyen et long terme », estime Jennifer Kavanagh, directrice de l’analyse militaire chez Defense Priorities, qui prône la retenue. « L’Iran n’a désormais aucune raison de faire confiance à Trump ou de croire que conclure un compromis favoriserait les intérêts de la République islamique », ajoute-t-elle.
SudOuest