Littérature : qu’est-ce que le prix Cino-Del-Duca, attribué cette année à Boualem Sansal ?

Une petite lumière dans un quotidien bien morne. Emprisonné en Algérie depuis mi-novembre 2024, notamment pour atteinte à l’intégrité du territoire, l’écrivain Boualem Sansal a reçu le prix mondial Cino-Del-Duca pour l’ensemble de son œuvre ce mercredi 21 mai. Le jury a ainsi souhaité rendre hommage « à la force d’un écrivain qui, par-delà les frontières et les censures, continue de faire entendre une parole libre, profondément humaniste et résolument nécessaire ».
Bien que peu connu du grand public, le prix Cino-Del-Duca figure parmi les plus généreux du monde dans son domaine, avec 200 000 € de dotation. Un montant qui la place juste derrière le prix Nobel de littérature (près de 900 000 €) et le prix Astrid-Lindgren, destiné aux auteurs jeunesse (plus de 500 000 €).
Cette récompense littéraire française doit son nom à l’éditeur Cino Del Duca. Né en 1899 dans une famille pauvre du centre de l’Italie, il fait fortune en important dans l’Hexagone un concept ayant un grand succès dans son pays d’origine : la « presse du cœur ». Ces titres destinés à un public féminin laissent une grande place à la fiction sentimentale. De Nous deux en 1947 à Télé poche en 1966, Cino Del Luca lance en tout plus d’une dizaine de magazines.
Dans les années 1950, ses activités se diversifient. L’entrepreneur ouvre des maisons d’édition et librairies, construit quatre imprimeries et produit des films, comme Accattone, de Pier Paolo Pasolini, sorti en 1961. Le patron de presse commence aussi à développer des activités de mécénat, avec la création de la bourse Del-Duca, un prix d’un million de francs permettant à un écrivain de devenir indépendant matériellement.
À sa mort, en 1967, sa femme Simone Del Duca décide de poursuivre son œuvre. Le prix Cino-Del-Duca voit le jour deux ans plus tard, afin de « couronner la carrière d’un auteur français ou étranger dont l’œuvre constitue, sous forme scientifique ou littéraire, un message d’humanisme moderne ». À partir de 1975, c’est la Fondation Simone-et-Cino-Del-Duca, nouvellement créée, qui remet cette récompense.
En plus de cinquante ans d’existence, le prix Cino-Del-Duca a récompensé de nombreux auteurs français et étrangers, dont certains ont ensuite reçu un prix Nobel. Jean Anouilh, Léopold Sédar Senghor, Patrick Modiano et Maryse Condé ont notamment été distingués.
Grâce à sa grande interdisciplinarité, des scientifiques, historiens et médecins figurent aussi parmi les lauréats, par exemple l’astrophysicien Trinh Xuan Thuan, récompensé en 2012, et l’égyptologue Jean Leclant (2000). Depuis la mort de Simone Del Duca, en 2004, sa fondation a été reprise par l’Institut de France, désormais chargé de remettre le prix.
La Croıx