Théâtre: notre critique des Parallèles, une comédie romantique bien troussée
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CRITIQUE - Un garçon et une fille que tout oppose se rencontrent sur un palier. Interprétée par les étincelants Benjamin Wangermée et Marie Pierre Nouveau, cette pièce crue et touchante crée la surprise.
Des malheurs passés naissent les espoirs à venir, dit-on. Romain n’est pas à la noce. Son ex l’a quitté, il y a un an. Pfuit. C’était un matin et l’horloge est restée bloquée à 10 h 27, l’heure à laquelle elle a claqué la porte du foyer. Avec lui, elle se sentait « pire que morte », car il était « pire que vide ». « Tu es un espace négatif, lui avait-elle balancé, une sorte de trou noir . » Cerise sur le gâteau, le chat, ne voulant pas rester seul avec lui, a préféré se jeter du 6e étage. Romain se sent comme « un gaspillage de matière organique moins utile à l’humanité qu’un banc de méduses ». Un clown blanc que chacun de ses pas enfonce davantage dans le ridicule. Bref, il se sent « schpouik ».
Romain est interprété par cet acteur vraiment remarquable, Benjamin Wangermée, voix pincée et corps en caoutchouc. Pendant tout le spectacle, on rit de sa maladresse, de sa timidité maladive. Il a la névrose épuisante. Mais, un soir, invité à une pendaison de crémaillère, il déclare, sur le palier, à une femme en robe noire sexy qui s’y rend aussi : « Je vais gâcher leur fête. » La femme s’appelle Marion et n’est pas du genre réservé. Elle lui répond tout net : « Vous n’avez pas l’étoffe de gâcher une fête. Le pire que vous pourriez faire, c’est d’être confondu avec un yucca. »
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Un palier, drôle d’endroit pour une drôle de rencontre : celle d’une femme libérée, dynamique, amatrice de sexe kleenex et d’un comptable gris, coincé, récitant d’insipides alexandrins. Imaginez Barbarella croisant Gaston Lagaffe. Cette rencontre entre un trentenaire médiocrement engageant et une quadra désirable va faire des étincelles et des bulles. Il y a un côté BD dans cette pièce écrite et mise en scène au galop par Alexandre Oppecini. Même si les situations sont volontairement et parfois grossièrement exagérées, tout sonne juste. Marion est jouée par Marie Pierre Nouveau et elle est impeccable dans son rôle de femme HPE (haut potentiel érotique).
Peu à peu, ces deux-là vont se trouver. Marion, la féline, n’est en fait pas si sûre d’elle. Quant à Romain, il n’est pas si « con » qu’il en a l’air. Ils n’iront pas pendre la crémaillère mais passeront la nuit ensemble comme dans une comédie romantique bien troussée. Il y a de beaux exercices de style ; ainsi cette séquence pendant laquelle ils se préparent pour leur soirée. Ils parlent concurremment, et c’est assez bluffant.
Ces deux « ultramodernes solitudes » n’étaient pas vraiment faites pour se rencontrer, mais, comme des aimants contraires, se sont « matchés » le temps d’une soiréeUne certaine dinguerie se dégage de cet improbable duo. Dans un décor fait de deux bancs et d’un voilage en guise de fond de scène, Marion et Romain (des anagrammes) évoluent dans une sorte de clair-obscur, reflet de leur personnalité. Ces deux « ultramodernes solitudes » n’étaient pas vraiment faites pour se rencontrer, mais, comme des aimants contraires, se sont « matchés » le temps d’une soirée. Alors, osez ces Parallèles qui, vous verrez, finiront par vous toucher.
Les Parallèles, jusqu’au 27 mars à La Scala, Paris (10e) .
lefigaro