Airbags Takata : «Je leur ai dit qu’ils pourraient venir à mon enterrement»… Après un nouveau décès, l’inquiétude des automobilistes
%3Aquality(70)%3Afocal(1953x1558%3A1963x1568)%2Fcloudfront-eu-central-1.images.arcpublishing.com%2Fliberation%2FFEYN7YAABZBDXLNODZBCE3BQGM.jpg&w=1280&q=100)
Conséquence de la mort d’une automobiliste à Reims le 11 juin à cause d’un airbag Takata, l’inquiétude règne du côté des conducteurs qui n’ont pas encore pu le faire remplacer. Ce drame porte à 18 le nombre de tués en France, dont 16 en outre-mer, à cause des coussins gonflables défectueux du fabricant japonais. Cette dernière victime, qui circulait dans une Citroën C3, marque le premier décès dans la moitié nord de la métropole. En réaction, le constructeur français a demandé mardi à travers un «stop drive» l’immobilisation immédiate de toutes les C3 et DS3 en Europe encore équipées de ce type d’équipement dangereux.
Ces deux modèles ne sont pas les seuls équipés d’airbag Takata. Une trentaine de constructeurs et des millions de véhicules sont concernés par des rappels. Alors que le nord de la France était jusqu’alors épargné par les victimes, ce dernier décès a poussé des automobilistes à ne plus prendre leur voiture, ne se sentant plus en sécurité au volant de leur véhicule.
C’est le cas de Nathalie Delville. Cette habitante du Nord a décidé de limiter le plus possible l’utilisation de sa Chevrolet Aveo fabriquée en 2012. Après avoir reçu un courrier le 31 mars lui conseillant de changer son airbag, elle avait fait le choix de continuer de rouler avec sa voiture car son concessionnaire lui avait assuré que ce n’était pas dangereux dans le nord de la France.
Jusqu’à présent, il était admis que seuls les outre-mers, et dans une moindre mesure le sud de l’Hexagone, présentaient des risques. Le défaut de ces airbags réside dans le manque d’étanchéité d’une petite cartouche de nitrate d’ammonium censée gonfler le coussin lors d’un impact. Ce composant peut cependant mal vieillir, surtout dans les zones humides et à forte chaleur, provoquant une explosion trop puissante et incontrôlée de l’airbag lors d’un accident.
«J’ai continué à utiliser ma voiture jusqu’à mardi et l’annonce que l’airbag Takata a causé la mort de cette automobiliste à Reims, raconte Nathalie Delville. Je vais rouler le moins possible avec, mais je n’ai pas toujours le choix car j’habite à la campagne et j’en ai besoin pour aller travailler.» Pour les conducteurs de véhicules Chevrolet comme elle, changer son airbag ressemble plus à un parcours du combattant qu’à une simple formalité. Le cas de l’entreprise américaine est particulièrement épineux pour ses acheteurs, puisqu’elle s’est retirée du marché européen fin 2015, General Motors (propriétaire de Chevrolet) regroupant toutes ses activités sur le Vieux Continent sous la responsabilité d’Opel, qui était sa filiale à l’époque. «Pour les garages Opel, on sent que l’on dérange plus qu’autre chose. Nous ne sommes pas une priorité pour eux et ils ne sont pas pressés de nous aider. J’ai essayé plein d’endroits et ils ne sont même pas capables de dire dans combien de temps on va pouvoir changer l’airbag, se lamente Natalie Delville. J’ai rappelé plusieurs fois et ils m’assurent qu’ils n’ont pas les pièces et qu’il y a une liste d’attente de 80 personnes.»
D’autant que ses interlocuteurs ne semblent pas prendre la situation au sérieux : «Face à leur refus d’aider, je leur ai dit qu’ils pourraient venir à mon enterrement. Ça les a fait rire. Et quand ils ont dit que ce n’était pas grave, je leur ai proposé d’aller dire ça à la famille de la personne qui est décédée à Reims.»
Nayla, qui possède une DS5 de 2016 a également du mal à remplacer son airbag. «J’ai contacté le constructeur en mai car en vérifiant ma carte grise, j’ai vu qu’il était de la marque Takata. Mais une personne du concessionnaire DS m’a dit que je n’étais pas prioritaire pour le changer.» Elle doit alors prendre son mal en patience malgré l’épisode de forte chaleur qui l’angoisse fortement. «Il fait chaud et j’ai vraiment peur de l’utiliser. Mais je n’ai pas le choix car j’ai un bébé de 2 ans ainsi que deux enfants de 10 et 11 ans qui vont à l’école, et je suis obligée de l’utiliser», explique-t-elle.
Ce dernier drame et les températures très élevées inquiètent également Delphine Forget, qui possède une Volkswagen Multivan de 2011, achetée d’occasion il y a deux ans. «On a reçu une lettre il y a deux semaines et j’avais déjà entendu parler des problèmes avec les airbags Takata. Mais c’est l’histoire de cette semaine qui m’a refroidie. Maintenant que je le sais, qu’on est concernés, je pense qu’on va éviter d’utiliser la voiture, sauf pour aller au garage», témoigne cette automobiliste normande.
La confusion semble cependant toujours régner du côté des concessionnaires sur la bonne marche à suivre : «Je trouve que c’est dur d’avoir des réponses, parce qu’entre un garage qui vous dit que ça ne risque rien, et un autre qui vous dit que vous ne devez pas conduire, on ne sait pas trop sur quel pied danser.» Delphine Forget a cependant réussi à trouver un rendez-vous avec une attente de quinze jours : «J’aurais aimé avoir un véhicule de courtoisie en attendant mais on m’a dit qu’il y avait trop de demandes d’un coup et qu’ils étaient déjà tous pris.»
Libération