«Ce qui fonctionne c’est le contenu qui choque» : cinq influenceurs polémiques se défendent face aux députés
Misogynie, escroquerie, appel à la violence... Nasdas, AD Laurent, Alex Hitchens et le couple Tanti ont été auditionnés ce mardi dans le cadre d’une commission à l’Assemblée nationale. Ces cinq influenceurs sont considérés comme les plus problématiques en France, selon une consultation citoyenne.
Il n’aura fallu qu’une vingtaine de minutes pour que le ton monte entre un influenceur et des députés. Des auditions se sont tenues ce mardi dans le cadre de la Commission d’enquête sur les effets psychologiques de TikTok sur les mineurs, dont les conclusions seront présentées au plus tard le 12 septembre. Cinq créateurs de contenus ont été interrogés, considérés comme les plus problématiques lors d’une grande consultation citoyenne qui s’est terminée le 31 mai dernier, avec plus de 32.000 réponses.
Premier invité, le créateur de contenu Alex Hitchens, de son vrai nom Isac Myembo, suivi par 164.000 personnes sur Instagram et 370.000 sur YouTube. Connu pour ses discours masculinistes, il prône la violence physique contre les femmes et n’hésite pas à en embrasser certaines dans la rue, sans leur consentement. Face à la Commission, Isac Myembo «ne trouve pas que [ses] propos soient problématiques», invitant mêmes «les jeunes hommes » à suivre ses conseils.
Dans l’une de ses vidéos, l’influenceur explique par exemple que les femmes ne doivent pas sortir le soir, après 22 heures. «Le gros problème de TikTok c’est la désinformation, vous avez isolé mon propos sur une vidéo d’une dizaine de minutes. J’expliquais que le gouvernement était responsable de la sécurité et que les femmes ne pouvaient pas sortir le soir dans les rues de Paris», se défend le créateur de contenus, avant de couper court à l’appel en visioconférence, plus de vingt minutes avant la fin de l’audience.
À l’inverse, l’influenceur controversé AD - Adrien - Laurent s’est rendu physiquement à son audience. Connu à travers plusieurs émissions de téléréalité, le trentenaire a vu sa popularité exploser sur les réseaux sociaux durant le confinement. Il organisait des vidéos en direct avec des femmes qui dansaient de façon suggestive et des strip-teases, imitant des grognements et aboiements canins pendant les passages de certaines jeunes filles. Aujourd’hui, AD Laurent réalise des vidéos pour adultes, notamment sur MYM et OnlyFans. En mars 2024, une plainte pour viol aggravé est déposée par une femme de 22 ans, pour des faits qui se seraient déroulés en Australie en 2018. Le 16 mai dernier, le compte de l’influenceur est supprimé, après un signalement de la ministre déléguée à l’Égalité femmes hommes, Aurore Bergé. «Les réseaux sociaux ne sont pas une zone de non droit», a-t-elle justifié, ajoutant qu’AD Laurent met en avant «une vision déformée et toxique de la sexualité où la domination et la violence prennent le pas sur le respect et le consentement».
Ce mardi, l’influenceur se défend, déplorant que sa «profession [le] disqualifie aux yeux de certains, on me méprise, me qualifiant de “beauf”». «Je n’ai jamais encouragé un public mineur à consulter un contenu inadapté. J’ai utilisé ma plateforme de manière responsable en diffusant des messages de prévention», complète-t-il d’un ton assuré. Quant à l’accès des mineurs à ses réseaux sociaux et son contenu pornographique, il cible directement les plateformes : «Si des jeunes de moins de 13 ans y ont accès, c’est de la faute de TikTok et du contrôle parental. Je ne peux pas être responsable de tout.» AD Laurent refuse d’ailleurs d’être comparé à son prédécesseur Alex Hitchens, assurant qu’il n’est «ni masculiniste, ni misogyne».
Si certains influenceurs sont ciblés pour des propos sexistes, d’autres sont pointés pour le contenu de leurs enfants. Manon et Julien Tanti, stars de la téléréalité française désormais installés à Dubaï postent régulièrement des photos et vidéos de leurs deux enfants, âgés de 4 et 7 ans. La mère de famille a par exemple partagé récemment un challenge «Qui est le plus ?» taxant sa fille de «chiante», «jalouse», «susceptible» et son fils de «bordélique» devant sa communauté de 2,9 millions d’abonnés sur Instagram. Pour répondre aux questions, la trentenaire plonge les visages de ses enfants dans des bassines d’eau.
«Je ne suis pas la seule à avoir fait ce challenge, je n’avais effectivement pas pensé que d’autres parents le reproduiraient d’une mauvaise manière», reconnaît Manon Tanti, interrogée par le député PS Arthur Delaporte, président de la Commission TikTok. «Je pense savoir ce qui est bon ou humiliant pour mes enfants et ce sont très souvent eux qui me demandent» de jouer, complète-t-elle. Quant à la question de savoir si ses enfants sont consentants, la trentenaire assure que son «fils aimerait avoir une chaîne YouTube [pour réaliser des défis], qui n’est absolument pas d’actualité». «Je ne me sers pas de mes enfants pour faire de l’argent», affirme l’influenceuse. Manon Tanti s’engage par ailleurs à ce que ses enfants n’apparaissent plus lors de placements de produits, sans contrat de mannequinat signé, obligatoire pour des mineurs dans le cadre de la loi influenceurs.
Les influenceurs semblent avoir réponse à toutes les questions des parlementaires. Le dernier interrogé, Nasser Sari, surnommé «Nasdas » n’en fait pas exception. S’il a annoncé ce week-end se retirer des réseaux sociaux pour «se recentrer sur ses priorités», il a été la cible de nombreux comportements problématiques. Suivi par plus de 9,3 millions de personnes sur Snapchat, il a notamment mis en scène des personnes défavorisées, dont des mineurs désœuvrés, qu’il filme dans une villa comme une téléréalité.
Popularisé pour mettre en avant sa «chienne de vie», il a également eu des remarques sexistes et des agressions verbales à l’encontre de certains de ses invités. Surnommé également le «Robin des bois numérique», il s’est filmé en train de distribuer des billets de banque dans la rue. Ce mardi, il explique «qu’il y a aussi une responsabilité parentale» et que «ce n’est pas normal que des enfants soient à 600 kilomètres de leur domicile» pour venir le voir à Perpignan. Il demande à ses fans «d’arrêter de croire au rêve Nasdas». Pour autant, il ajoute «ne pas s’arrêter de vivre» et ne sait pas s’il stoppera ses publications «durant un an, deux ans ou trois ans». «Je perds beaucoup d’argent», affirme l’influenceur, n’hésitant pas à remettre en cause le comportement des députés, d’un ton provocateur.
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