«Je tremble de peur dans ma voiture» : la colère des automobilistes qui attendent le remplacement de leurs airbags Takata
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Un parcours du combattant pour un airbag. Citroën a lancé le 17 février sa campagne de remplacement des coussins gonflables japonais de ses C3 et DS3 dans le nord de la France. Une opération qui concerne environ 236 000 conducteurs et qui rencontre des problèmes sur le terrain. Alors que le directeur général du constructeur français, Thierry Koskas, promettait un temps d’attente de cinq jours en moyenne, certains automobilistes doivent prendre leur mal en patience. Des conducteurs en colère souvent obligés de rouler la peur au ventre.
C’est le cas de Marielle, qui possède une C3 de 2013 et qui a reçu une lettre de Citroën le 18 février. «J’ai appelé le lendemain le concessionnaire pour changer l’airbag. Ils m’ont fixé un rendez-vous le 3 mars, déplore cette Nantaise de 60 ans. J’ai tenté d’avancer le rendez-vous mais on m’a dit que ce n’était pas possible.» Pourtant, elle doit toujours utiliser son véhicule quotidiennement pour se déplacer : «Je suis en train d’acheter une maison et j’ai plein de démarches à faire. Mais surtout, je travaille à l’hôpital et j’ai besoin de mon véhicule pour m’y rendre.»
«Je tremble de peur dans ma voiture. Je roule dans quelque chose qui peut me tuer à tout moment», constate-t-elle. Face à cette situation, Marielle ne décolère pas. «Quand j’ai demandé si je pouvais encore utiliser ma voiture, ils m’ont dit qu’ils ne savaient pas. J’ai l’impression qu’on joue avec ma vie, d’être pris pour une imbécile. Et surtout, on n’a pas d’excuse de la part de Citroën.» Une bonne nouvelle se dégage tout de même dans cette période incertaine : «Mon assurance m’a affirmé au téléphone que je pouvais continuer à rouler avec ma voiture et qu’ils me prendraient en charge en cas d’accident.»
D’autres automobilistes n’ont pas cette chance, faute d’avoir obtenu un rendez-vous chez un concessionnaire. Sandra, qui roule dans une C3 de 2013, ne sait pas quand elle pourra changer l’airbag de son véhicule. «Sans rendez-vous, ni délai», cette trentenaire habitant dans une petite commune rurale du Loiret doit composer avec l’échéance stressante d’une nouvelle activité professionnelle qui doit débuter fin mars : «Ça m’angoisse de devoir prendre la voiture et j’ai espoir que le garagiste m’appelle avant la reprise du travail. J’ai aussi demandé une voiture de courtoisie, mais il n’y en a pas.»
Monique a le même problème. Voilà près de trois semaines qu’elle tombe sur le répondeur de son garage Citroën où elle a acheté sa C3 en 2010. Privée de voiture, elle sollicite son fils «pour aller chez les médecins, faire mes courses, tandis que la pharmacie me livre mes médicaments», relate cette habitante du Val-d’Oise. La retraitée juge «honteux» le choix de Stellantis d’avoir fait attendre environ un an ses clients du nord de la France, après avoir changé les airbags de ceux du sud du pays. De son côté, le groupe franco-italo-américain assure qu’il n’y avait encore aucun risque pour les automobilistes au-dessus de la ligne Lyon-Clermont-Ferrand.
Mais Citroën n’est pas le seul constructeur en France à avoir installé des airbags Takata dans ses véhicules. Audi, BMW, Honda ou encore Chevrolet ont suivi le même chemin. Le cas de l’entreprise américaine est particulièrement épineux pour ses acheteurs, puisque Chevrolet s’est retiré du marché européen fin 2015, General Motors (propriétaire de Chevrolet) regroupant toutes ses activités sur place sous la responsabilité d’Opel, qui était sa filiale à l’époque.
Détenteur d’une Chevrolet Orlando de 2012, Christophe F. s’est rendu compte, sans avoir reçu de lettre, que son modèle était sur la liste des véhicules à risque. «Maintenant, Opel ne veut pas changer les airbags. Quand je leur dis que je n’ai pas reçu de courrier, ils me répondent qu’on ne pourra donc pas les remplacer, s’agace ce quinquagénaire vivant près de Dijon. General Motors se désengage totalement de ce qui peut se passer sur les véhicules vendus en Europe.» «Je continue à rouler, comment je peux faire sinon ? Mais je ne suis pas serein», se désole-t-il, préférant ne pas prévenir son assureur de cette situation par crainte de ne plus pouvoir utiliser sa voiture par la suite.
Un problème que rencontre également Christophe R., propriétaire d’un Chevrolet Cruze de 2013. Il décrit un casse-tête, presque kafkaïen, pour pouvoir changer son airbag. «J’ai essayé sur la plateforme d’Opel. On me dit que ce n’est pas une Opel. J’ai essayé chez Citroën [Opel appartient au groupe depuis 2017, ndlr]. On me dit que ce n’est pas une Citroën. On m’a enfin donné un numéro qui m’a conseillé d’appeler des garages Opel. J’en ai contacté une dizaine mais ces derniers me disent qu’ils ne font plus de Chevrolet depuis au moins cinq ans», raconte-t-il. Sans solution, il se résigne à prochainement payer de sa poche le changement de l’airbag. «Même si je pense que mon assurance me couvre. Quand je serai mort lors d’un accident et qu’il y aura beaucoup d’argent à donner, ils se renverront tous la balle.»
Libération