« Nos structures sont des outils pour réparer des vies » : jusqu’à 1 000 emplois menacés à Envie, le spécialiste de réemploi d’appareils électroménagers

La loi du marché a frappé. Le 2 avril, Envie, le plus important opérateur à but non lucratif de réemploi d’appareils électroménagers, candidatait à une trentaine des 101 lots mis en jeu dans l’appel d’offres national lancé par Ecosystem, l’éco-organisme agréé par l’État chargé par les producteurs d’équipements électriques et électroniques de gérer la collecte et le traitement des déchets. Un rendez-vous capital pour nombre des 53 entreprises d’insertion qui composent cette fédération de l’économie sociale et solidaire, et qui jouaient là leur survie économique.
Si 15 ont conservé leurs marchés et six en ont remporté un, neuf sont restées le bec dans l’eau. Or, cinq de ces sites logistiques – Rennes, Nantes, Angers, Niort et Mulhouse – fortement dépendants de l’éco-organisme, chancellent déjà. Jusqu’à 1 000 postes sont menacés directement ou indirectement, dont 75 % des détenteurs sont en parcours d’insertion. « Nous sommes en colère. L’année dernière, nous avons fêté nos 30 ans et nos 20 ans de partenariat avec l’éco-organisme, réagit Ludovic Blot, directeur d’Envie Rennes. Nos structures sont pourtant des outils pour réparer des vies. »
Chaque année, 150 à 200 personnes éloignées de l’emploi sont adressées par France Travail à cette structure pour renouer avec le monde du travail. « En 2024, le taux de réinsertion dans la vie professionnelle a été de 81 % », fait valoir le directeur. Le réseau breton fonctionne avec trois activités : la logistique, l’atelier et le magasin et, à défaut, le centre de recyclage si la réparation est impossible. « On représente 230 emplois avec 150 en parcours de réinsertion, assure le directeur. Malheureusement, la perte de ces marchés représente 70 % de nos activités logistiques et 60 % de notre production. 85 emplois sont directement menacés, majoritairement en insertion, sans prendre en compte par la suite l’effet domino ! »
L’entreprise répare et vend plus de 110 000 appareils de gros électroménager chaque année. « Tout cela va être cassé au nom d’une politique purement économique sans intégrer les enjeux écologiques du réemploi, et sociaux de réinsertion », se désole le dirigeant breton. « Évidemment que nous sommes plus coûteux que les autres, mais nous sommes aussi plus fiables ! » reprend-il.
« Sur la globalité de l’appel d’offres, l’économie sociale et solidaire (ESS) demeure le premier opérateur de transport. On ne change pas de braquet avec Envie, notre partenaire depuis dix-neuf ans », souligne Claire Lemarchand, directrice de la communication d’Ecosystem, qui rappelle que les critères de sélection de l’appel d’offres sont dictés par la réglementation et le cahier des charges qui lui est imposé : 60 % sur l’économie, contre 40 % pour le social et l’environnemental. Face aux Veolia, Suez et autres sociétés de transport capitalistes, l’ESS a du mal à faire le poids.
Après l’échec d’une médiation organisée par le ministère de la Transition écologique, un recours juridique a été déposé contre Ecosystem. Envie Rennes réclame « un délai d’au moins dix-huit mois pour se réorganiser et préserver les emplois et la filière de reconditionnement », quand Ecosystem proposait dix à douze mois. « Nous sommes déjà en chômage partiel, c’est maintenant qu’il faut agir pour sauver nos emplois », plaide Ludovic Blot.
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