Plusieurs décès, enquête ouverte… L’affaire des airbags Takata prend un tournant judiciaire

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Intérieur d’une voiture Citroën à Nice, en France, le 3 mars 2025. SYSPEO/SIPA
Récap Une information judiciaire a été ouverte pour « pratiques commerciales trompeuses », « tromperie aggravée » et notamment « mise en danger de la vie d’autrui », a précisé le parquet ce vendredi.
Nouvelle étape dans l’affaire des airbags défaillants du fabriquant japonais Takata ayant provoqué des morts en France : des juges d’instruction enquêtent désormais sur des soupçons de tromperie aggravée et mise en danger de la vie d’autrui, a indiqué ce vendredi 20 juin le parquet de Paris, sollicité par l’AFP.
Les investigations pourraient en outre être étendues à trois accidents mortels. A ce stade, trois parquets se sont en effet dessaisis au profit de celui de Paris des enquêtes qu’ils menaient dans leur juridiction. Le 3 juin, le parquet de Tarbes s’est ainsi dessaisi d’une enquête préliminaire ouverte après l’explosion d’un airbag Takata le 18 novembre 2023 à Galan (Hautes-Pyrénées) ayant causé la mort d’un homme né en juillet 1972, conducteur d’une C3.
Le même jour, le parquet de Fort-de-France s’est dessaisi d’une enquête préliminaire ouverte à la suite de l’explosion d’un airbag Takata le 28 décembre 2021 aux Trois-Ilets (Martinique) ayant causé la mort d’un homme né en avril 1954, conducteur d’une C3. Et le 17 juin, le parquet de Reims s’est dessaisi de l’enquête préliminaire ouverte après l’explosion d’un airbag Takata le 11 juin 2025 à Reims. On fait le point sur la situation.
· Une enquête « attendue »L’information judiciaire a été ouverte le 16 avril pour « pratiques commerciales trompeuses, tromperie aggravée, non-information des acquéreurs d’un produit de sa non-conformité portant sur une qualité substantielle, mise en danger de la vie d’autrui », a détaillé le ministère public.
Me Charles-Henri Coppet, qui défend 11 familles de personnes décédées et 12 blessés, a souligné auprès de l’AFP que l’ouverture de cette information judiciaire « était attendue depuis longtemps » et a regretté que « le volet corporel », lié aux morts et blessures involontaires, ne soit toujours pas ouvert, alors que la première plainte de l’association UFC-Que Choisir date de janvier 2025.
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A la suite de plaintes déposées à Versailles par Que choisir et par plusieurs propriétaires de véhicules du groupe Stellantis, puis du dessaisissement du parquet de Versailles, la Jirs (Juridiction interrégionale spécialisée) de Paris a ouvert une enquête, puis a « proposé à d’autres parquets de joindre leurs procédures connexes à celle-ci », a rappelé le parquet de Paris.
· « La responsabilité de l’airbag »D’autres informations judiciaires ont été ouvertes et d’autres plaintes ont été déposées dans d’autres juridictions, a précisé le parquet, dont la juridiction n’est ainsi pas, à ce stade, saisie de toutes les procédures relatives aux airbags Takata. Le 10 avril, la Chancellerie avait demandé le regroupement à la Jirs de Paris de l’ensemble des enquêtes, « dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice ».
Depuis 2014, le scandale industriel de ces airbags défectueux, qui ont provoqué une série de morts, secoue le secteur de l’automobile. A cause d’un gaz qui vieillit mal, ces équipements de sécurité censés protéger les passagers en cas de choc, peuvent exploser, notamment dans les climats chauds et humides, en projetant des pièces au visage des conducteurs.
L’accident mortel à Reims du 11 juin dernier a accéléré les procédures en cours. L’autopsie de la femme y étant décédée a « confirmé la responsabilité de l’airbag » Takata, dont l’explosion dans sa Citroën C3 a provoqué « de très graves blessures » ayant entraîné sa mort, avait précisé le procureur de Reims François Schneider. Le véhicule de la victime, une C3 de 2014, a été « heurté par l’arrière par un poids lourd pour une raison indéterminée ».
· 29 accidents recensésEn raison de ce choc, la voiture a percuté un muret en béton et s’est immobilisée à contresens, a précisé le procureur. A l’arrivée des secours, la conductrice âgée de 37 ans présentait de « très graves blessures » au visage. Sa passagère arrière, âgée de 13 ans, a été « très légèrement blessée ». L’air bag Takata a été « éjecté du véhicule » et retrouvé sur la route. Une « pièce métallique » a été retrouvée « dans le larynx de la victime ». Elle est décédée par la suite.
En réaction, l’association UFC-Que choisir affirme que « ce nouveau décès est inacceptable et aurait été évité si les mesures nécessaires avaient été mises en place par Stellantis ». Le ministre des Transports a alors demandé mardi l’immobilisation de toutes les Citroën C3 et DS3 nécessitant un changement d’airbags. Jusqu’à l’annonce de ce décès, avaient été recensés 29 accidents ayant provoqué onze décès Outre-mer, où les airbags se dégradent plus vite.
· « Plus un seul airbag Takata »Dans la foulée, Citroën a réagi en demandant par la voix de son directeur Xavier Chardon auprès de l’AFP un rappel, appelé « stop drive », dans toute l’Europe « compte tenu du contexte ». Cela signifie une immobilisation immédiate de toutes les voitures de modèle C3 et DS3, quelle que soit leur année de production, suivie d’une réparation. 441 000 voitures sont concernées en Europe, dont 82 000 en France, en plus de celles déjà immobilisées.
En France, Citroën avait déjà lancé une immobilisation de quelque 236 900 modèles C3 et DS3 dans le nord du pays début 2025, après une première campagne au printemps 2024 dans le sud de l’Europe pour certains modèles. La mesure ne concernait pas jusqu’à présent les voitures fabriquées après 2013. Après des débuts chaotiques, notamment faute d’airbags en nombre suffisant, les rendez-vous de remplacement se sont enchaînés en concessions.
« Il est important que les clients prennent contact avec nous », a déclaré Xavier Chardon. « On ne fuit pas nos responsabilités », a-t-il ajouté en disant s’engager « personnellement à ce qu’il n’y ait plus un seul airbag Takata dans les Citroën ».
Par Service Actu (avec AFP)
Le Nouvel Observateur