Pourquoi les entreprises de l'aérien et de l'aéronautique ont-elles tant de mal à recruter ?

C'est un paradoxe. Depuis la fin de la crise sanitaire, les avions sont pleins à craquer, les commandes d'appareils ne cessent d'augmenter. Le contexte est donc très favorable à l'emploi. Pourtant, les entreprises de l'aérien et de l'aéronautique peinent à recruter en France. Pourquoi ?
Pour répondre à cette question, des universitaires et des professeurs en école de commerce, attachés à la Chaire Pégase (seule chaire française consacrée à l'économie et management du transport aérien et de l'aérospatial), ont ciblé un public bien précis : des demandeurs d’emploi et des jeunes de moins de 25 ans. Ils en ont interrogé 1.600, via des questionnaires ou des entretiens en face-à-face.
Les résultats montrent que les entreprises du secteur aérien et celles de l'aéronautique ont du souci à se faire. D'abord, parce qu'en dehors de grands noms comme Air France, Easyjet, Ryanair côté compagnies, Airbus et Boeing côté constructeurs ou Aéroport de Paris côté services, les autres passent globalement sous le radar. Seul un tiers des sondés ont entendu parler du groupe français Safran, leader mondial dans la construction des moteurs d'avions, et encore moins de Latécoère, numéro un mondial des portes d'avions.
Plus inquiétant encore, pas grand monde ne pense spontanément à chercher du travail dans cette filière et, selon la Chaire Pégase, ce n'est pas parce que cette industrie est pointée du doigt pour ses émissions polluantes. Contrairement aux idées reçues, la question environnementale n'est pas un critère de choix fondamental pour les moins de 25 ans, selon l'étude.
76 % des jeunes n'imaginent pas faire carrière dans l'aérien et 86 % dans l'aéronautique parce qu'une partie d'entre eux, notamment, s'autocensure analyse Paul Chiambaretto, le directeur de la Chaire Pégase. Ils jugent ne pas avoir fait les bonnes études, ne pas avoir les bonnes compétences et pensent que ces secteurs sont ouverts aux seuls profils scientifiques.
Enfin, la moitié des jeunes et trois quarts des chômeurs perçoivent les entreprises de cette filière comme élitistes ou inaccessibles. Parmi les autres freins, la moitié des répondants estime que les métiers sont trop exigeants, avec du stress et des horaires décalés. Métiers qu'ils ne connaissent pas forcément très bien.
Pour inverser cette tendance, la Chaire Pégase préconise un gros travail de communication autour des métiers, des opportunités, des évolutions de carrières en allant chercher les jeunes sur les réseaux sociaux et en faisant appel à des influenceurs qui n'ont rien à voir avec le secteur. Elle recommande aussi de développer des parcours de reconversion rapide pour répondre aux besoins de recrutement.
"La France est un des seuls pays au monde, avec les États-Unis, à avoir autant d'acteurs mondiaux dans l'aérien et l'aéronautique, souligne Paul Chiambaretto. Quand les entreprises et leurs sous-traitants rencontrent des difficultés, cela freine l'activité partout dans le monde."
Francetvinfo