Rythmes scolaires : pour les stations d’hiver, les zones de vacances comme planche de salut
%3Aquality(70)%2Fcloudfront-eu-central-1.images.arcpublishing.com%2Fliberation%2FF4F27BTFGFCNVLLOJAZSYRCNOY.jpg&w=1280&q=100)
«L’avantage du zonage A, B et C : c’est qu’on a une meilleure répartition de la clientèle sur place, pose Géraldine Leduc. On peut donc mieux accueillir les touristes.» La directrice générale de l’Association nationale des élus des territoires touristiques (Anett) dit son attachement à un totem national vieux de soixante ans : les vacances par zones, mises en place lors de l’année scolaire 1964-1965. Un système aussi décrié par les chronobiologistes – qui le jugent néfaste pour le rythme des enfants –, que soutenu par les professionnels du tourisme, notamment en montagne.
«Pour les stations de ski, l’hiver représente 80 % de notre chiffre d’affaires, précise Laurent Barthélémy, président de l’Union des métiers et des industries de l’hôtellerie (Umih) saisonniers. Retirer ne serait-ce qu’une semaine serait un manque à gagner bien trop important.» Car depuis l’annonce d’Emmanuel Macron, début mai, d’une convention sur les temps de l’enfance – qui débute ce vendredi 20 juin – c’est tout un secteur qui se met à trembler. «Même si, évidemment, la priorité reste l’intérêt des enfants», rappelle Géraldine Leduc.
Seulement, le découpage des vacances scolaires en trois zones crée d’importantes inégalités dans le rythme de l’année pour les élèves. En 2024-2025, ceux de la zone B ont d’abord enchaîné cinq semaines de cours entre Noël et février, six semaines entre les vacances de février et celles de Pâques, et enfin onze semaines d’affilée jusqu’aux vacances d’été. En comparaison, la zone A a bénéficié d’un calendrier plus régulier : sept, six et neuf semaines de cours. Un schéma proche des recommandations des chronobiologistes, qui préconisent plutôt un rythme de sept semaines de classe, suivi de deux semaines de repos, mais également l’augmentation du nombre de jour de cours, pour étaler les programmes et ainsi, alléger les journées des élèves. Face à ce constat, la commission spécialisée sur le calendrier scolaire (un organe paritaire où siègent aussi les associations de parents d’élèves) envisage de réduire le nombre de zones de vacances.
«On ne veut pas que le système en place aujourd’hui soit changé», proteste la directrice de l’Anett. Le président de la branche Saisonniers de l’UMIH pousse plus loin : «On pourrait même étaler les vacances de février sur six semaines [au lieu de quatre aujourd’hui, ndlr], si les différentes zones ne se chevauchent pas.» L’enjeu est évidemment économique. En 2022, selon une étude d’Atout France, les effets directs du tourisme représentaient 3,6 % du PIB – soit 82 milliards d’euros. «Et 7,5 % du PIB si on parle des effets indirects», avance Géraldine Leduc. Pour ce qui est des dépenses touristiques dans les stations de montagne, un rapport dédié de la Cour des comptes les estime, pour 2024, à «2,4 milliards d’euros en été contre plus de 8 milliards d’euros en hiver».
Un développement économique qui se traduit sur le terrain de l’emploi, comme ne manquent pas de le rappeler les professionnels du secteur. «Chaque hiver, ce sont 19 000 salariés dans les remontées, chiffre Anne Marty, présidente de Domaines skiables de France (DSF). A cela, il faut rajouter qu’un emploi dans les remontées en génère environ six dans le reste du territoire.» En France, on dénombre 120 000 personnes qui travaillent directement dans le tourisme lors des vacances d’hiver, selon DSF. Avec des contrats saisonniers qui peuvent s’étendre jusqu’à cinq mois. «Diminuer la durée des vacances aurait des impacts délétères sur les salariés», poursuit Anne Marty. «On rajouterait ainsi du monde sur le marché de l’emploi, et donc chez France Travail», complète Laurent Barthélémy.
Enfin, un moindre étalement des vacances d’hiver aurait des impacts en termes de flux… voire d’accessibilité financière des vacances à la neige. «Si tout le monde prend les vacances au même moment, les prix font la fusée, explique Géraldine Leduc. Plus la demande est forte, plus les prix vont grimper.» «Des personnes choisiraient une autre station ou tout simplement un autre mode de vacances», abonde Anne Marty, des DSF. «De toute façon, on ne va pas pousser les murs des sites touristiques», grince Laurent Barthélémy. Et les professionnels de citer encore, parmi les multiples arguments, la fatigue générée par les embouteillages. De l’autre côté de la balance, il y a celle des enfants et la qualité des apprentissages.
Libération