Traversées de la Manche : dans les rouages d’un réseau de passeurs

Les trafiquants d’êtres humains sont soumis aux mêmes contraintes que n’importe quel autre entrepreneur, assure, provocateur, cet hebdomadaire britannique. L’analyse de leur “modèle commercial” permet surtout de comprendre à quel point le démantèlement des réseaux autour de la Manche se révèle ardu.
“Des passeurs, il y en a plusieurs types”, explique un Iranien qui a traversé la Manche sur un canot pneumatique et qui a depuis reçu l’asile au Royaume-Uni. “Certains ont une image de marque et sont connus pour leurs canots flambant neufs, équipés de gilets de sauvetage. D’autres proposent des prix cassés, mais sont vraiment dangereux, ils utilisent des embarcations défectueuses.”
Les qualificatifs ne manquent pas pour désigner les passeurs, qui l’année dernière ont fait franchir la Manche à 36 800 personnes. Le 31 mars, le Premier ministre britannique Keir Starmer a ouvert le sommet sur l’immigration illégale en les qualifiant d’exploiteurs malfaisants. Et c’est ce qu’ils sont.
Pour autant, ce sont aussi des entrepreneurs. Ils vendent un service qui rencontre une forte demande, quand bien même 82 personnes en sont mortes en 2024 selon le Projet migrants disparus, chapeauté par les Nations unies. Envisager les passeurs comme des entrepreneurs sur un marché hautement concurrentiel à plusieurs millions d’euros permet de comprendre pourquoi le flux de leurs bateaux est si difficile à endiguer.
Pour réussir dans ce secteur, il faut parvenir à réunir, au nez et à la barbe de la police, des migrants, des embarcations et des moteurs sur une plage belge ou française. Les passeurs doivent être maîtres dans l’art du marketing, de l’approvisionnement, de la logistique, de la comptabilité et des ressources humaines.
Ils doivent s’affranchir de contraintes que peu d’entreprises connaissent, à savoir interagir dans une multitude de langues et accepter qu’il soit impossible de poursuivre juridiquement leurs clients en défaut de paiement. Seuls les commerciaux les plus accomplis ont une chance de voir leur affaire prospérer.
Comme bien d’autres entreprises, les passeurs font leur publicité sur Internet, grâce aux réseaux sociaux, comme TikTok par exemple. Les modérateurs et la police travaillent à éradiquer leur présence en ligne : depuis 2021, la NCA, l’organisme britannique de lutte contre le crime, a fermé quelque 18 000 comptes et pages Web de passeurs. Les publicités fonctionnent visiblement, puisque même le gouvernement a lancé ses propres campagnes sur les réseaux afin de décourager Albanais, Irakiens et Vietnamiens de tenter d’émigrer illégalement.
Ces pubs sont souvent génériques et mettent en scène un bateau, des migrants tout sourire, avec un numéro de téléphone. Pourtant, Dan Barcroft, responsable de l’équipe de la NCA spécialisée dans l’immigration irrégulière organisée, a déjà été témoin de campagnes plus léchées, qui essaient d’asseoir une image de marque.
Des demandeurs d’asile y encensent certains passeurs, la traversée de la Manche y est présentée sous un si beau jour que c’en devient absurde. “Ils promettent un service VIP, avec de la nourriture et des boissons disponibles à bord. C’est du pur mensonge”, raconte-t-il. Il faut dire que les passeurs ne sont pas soumis aux réglementations sur la publicité en ligne.
Le bouche-à-oreille est tout aussi important pour attirer le chaland. À l’ouest de Dunkerque, dans un campement sordide établi dans un bois, environ 800 personnes vivent dans des tentes. C’est là que nous avons rencontré un jeune Afghan qui dit avoir payé 1 500 euros pour passer au Royaume-Uni. Il a demandé l’asile en Belgique trois ans plus tôt avant d’être débouté. Il a entendu parler de son passeur au détour de conversations avec d’autres migrants.
Ce n’est peut-être pas uniquement par altruisme qu’on l’a dirigé vers cet homme : il peut en effet employer des recruteurs qui opèrent là où les migrants se rassemblent. Des chercheurs de L’Initiative mondiale contre la criminalité transnationale organisée, une organisation suisse, ont rencontré un de ces recruteurs en Belgique, qui reçoit entre 100 et 200 euros pour chaque nouvelle recrue. Les passeurs font aussi appel à des courtiers,

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Courrier International