"On va faire de nous des travailleurs pauvres": les raisons de la colère des taxis ce lundi à travers la France

A Paris, plusieurs centaines bloquaient, à grand renfort de klaxons et fumigènes, le boulevard Raspail près du ministère des Transports.
"C'est ici que se prennent les plus grosses décisions, il faut qu'on se montre", a déclaré Claude Voltzenlogel, 48 ans.
Cet artisan taxi du Bas-Rhin est parti de Strasbourg vers minuit en convoi avec une vingtaine de collègues. "On restera plusieurs jours s'il le faut. On préfère perdre une semaine de chiffre d'affaires que perdre nos entreprises", a-t-il souligné.
Un projet de l'Assurance maladie, qui doit encore être approuvé par le gouvernement, entend instaurer à partir du 1er octobre un modèle unique sur le territoire pour le transport des malades par les chauffeurs de taxis conventionnés, pour remplacer l'actuelle "usine à gaz", avait expliqué jeudi Marguerite Cazeneuve, la numéro 2 de la Cnam.
L'objectif est de contrôler la croissance des dépenses de transport sanitaire, qui ont atteint 6,74 milliards d'euros en 2024, dont 3,07 milliards pour les taxis conventionnés (avec un bond de 45% depuis 2019).
Les taxis seront rémunérés sur la base d'un forfait de prise en charge de 13 euros et d'une tarification kilométrique.
Après une série de manifestations, les chauffeurs sont appelés à se mobiliser de nouveau lundi par une intersyndicale.
A Lorient (Morbihan), des taxis ont bloqué les entrées de la ville, selon Le Télégramme. Et des opérations escargot ont été menées sur le périphérique de Nantes (Loire-Atlantique), selon Presse Océan. A Bastia (Haute-Corse), la sortie du port de commerce a été bloquée, selon la police.
"Nous ne partirons pas tant que nous n'aurons pas obtenu le retrait de cette convention", a lancé lundi matin à Paris Emmanuelle Cordier, présidente de la Fédération nationale du taxi (FNDT).
"Ça fait des semaines qu'on prévient Matignon (...). On demande à être reçus par les ministres de tutelle (Transports, Intérieur, Santé...) et pas par leurs porte-gobelets", a-t-elle souligné.
Aujourd'hui environ 85% des taxis font du transport conventionné de malades, selon la FNDT.
"Travailleurs pauvres""La nouvelle tarification sera favorable aux taxis conventionnés dans deux tiers des départements, notamment ruraux", a assuré Marguerite Cazeneuve.
Dans le tiers restant, la CNAM veut notamment éviter que les taxis fassent du transport à vide, coûteux, via une coordination avec les hôpitaux pour grouper des patients sur des trajets proches.
A Pau, ville du Premier ministre François Bayrou, environ 200 taxis ont mis en place un barrage filtrant près de la gare, a constaté une journaliste de l'AFP.
Pour Tony Bordenave, 51 ans, président d'un syndicat de taxis départemental, la généralisation du transport simultané "n'est pas possible", même s'il le pratique déjà quand il peut.
Mélanie, 42 ans, est venue avec son taxi dès dimanche soir de Saintes (Charente-Maritime), à plus de trois heures au nord de Pau.
"On comprend que le climat social est compliqué, nous on a fait beaucoup d'efforts mais l'État, pas du tout", a-t-elle expliqué. "Les charges deviennent de plus en plus importantes et le tarif baisse de plus en plus".
"La convention qui nous a été imposée par la CNAM nous ferait perdre 25 à 30% de notre chiffre d'affaires (...) On va faire de nous des travailleurs pauvres", a lancé Yves Rubicondo, 64 ans, taxi à Pithiviers (Loiret) avec trois salariés, qui dit réaliser 95% de son chiffre d'affaires avec le transport de malades.
UberisationLe secteur se dit prêt à discuter, notamment du transport partagé et de "l'optimisation des coûts".
Mais il demande le gel du projet actuel, selon lui défini unilatéralement, ne prenant pas en compte par exemple les variations des temps de trajet.
De nombreux taxis manifestent aussi contre la concurrence des véhicules de tourisme avec chauffeur (VTC), coordonnés par des plateformes comme Uber.
"On demande l'application de la loi et des décisions de justice" limitant le travail des VTC, a expliqué à Paris Gehad Rejim, 36 ans, un des meneurs de la fronde en Savoie. "On demande une zone blanche immatérielle qui empêche les chauffeurs de se connecter", aux abords des gares et des aéroports notamment, a-t-il ajouté.
Nice Matin