Environnement. Pollution de l'air : l'Assemblée va-t-elle acter la fin des zones à faibles émissions (ZFE) ?

L’avenir de ce dispositif visant les véhicules les plus polluants, doit être décidé à l’Assemblée nationale les 30 et 31 mai. Début mars, des députés avaient voté leur suppression en commission du projet de loi de simplification de la vie économique. Le gouvernement tentera de rétablir les ZFE, en resserrant ce mécanisme aux seules métropoles de Paris et Lyon.
Les panneaux rectangulaires avec un rond rouge sont implantés petit à petit à l’entrée des agglomérations françaises, mais pourraient déjà devenir obsolètes. Depuis le 1er janvier 2025, 42 agglomérations de plus de 150 000 habitants ont l’obligation de se doter d’une “zone à faibles émissions” (ZFE).
Cet outil, né en Suède en 1996 et déjà en place dans 13 autres pays européens, vise à réduire la pollution de l’air, responsable de 40 000 morts chaque année dans l’Hexagone selon Santé publique France. L’objectif est d’exclure des centres-villes les véhicules les plus anciens (et polluants) pour les remplacer par des modèles plus récents. Mais la mise en place (très) progressive du dispositif pourrait être stoppée net.
Une division entre « bobos » et « prolos-paysans » ?Le 26 mars, les ZFE ont en effet été supprimées en commission spéciale, après l’adoption d’un amendement déposé par le député Ian Boucard (Les Républicains). « C’est un mauvais dispositif qui part d’un bon sentiment, estime l’élu du Territoire de Belfort. On est tous favorables à une meilleure qualité de l’air, mais il ne faut pas exclure les populations les plus précaires des métropoles. »
Longtemps soutenue par le Rassemblement national et l’association 40 millions d’automobilistes, la fronde contre les ZFE a connu une accélération récente sur les réseaux sociaux après l’émergence du collectif « Les Gueux », de l’écrivain Alexandre Jardin. Ce dernier dénonce une « partition du territoire entre zones bobos à air pur et zones prolos-paysans-petits salaires priés de rester entre eux ».
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Depuis le vote de la suppression des ZFE, le gouvernement tente de sauver ce qui peut l’être d’un mécanisme créé par la loi d’orientation des mobilités, en 2019. « Nous portons un amendement de simplification qui vise à rassurer les Françaises et les Français », a assuré Agnès Pannier-Runacher, ministre de la Transition écologique, sur franceinfo, avant le retour du texte en séance publique à l’Assemblée nationale, prévu ce vendredi et samedi.
L’alternative proposée par l’exécutif rendrait les ZFE obligatoires uniquement pour les métropoles de Paris et Lyon, villes où la pollution de l’air est la plus critique, tout en les rendant facultatives dans les 40 autres grandes agglomérations. « Les collectivités qui ont mis en place des ZFE ne veulent pas revenir en arrière, indique-t-on au cabinet de la ministre. Donc nous souhaitons leur donner la possibilité réglementaire de les conserver si elles le souhaitent.»
Une ambition insuffisante pour les associations environnementales, qui rappellent que l’État a déjà été condamné à 40 millions d’astreintes entre 2020 et 2022 par le Conseil d’État pour « dépassements de certains seuils de pollution de l’air ».
Un effet immédiat sur les finances publiques« L’Union européenne a acté en octobre dernier que les seuils à respecter pour le dioxyde d’azote et les particules fines seront divisés par deux en 2030, met en avant Clément Drognat Landré, coordinateur de l’ONG Clean Cities, opposé à la suppression des ZFE. De nombreuses villes françaises seront loin de les atteindre si on n’agit pas. Ne pas respecter ces normes, c’est mettre dès aujourd’hui la population en danger, les plus pauvres étant les plus impactés, tout en risquant des amendes pour l’État. »
La suppression des ZFE pourrait même avoir un effet immédiat sur les finances de l’État : la France a reçu des aides de Bruxelles en contrepartie d’engagements pour réduire la pollution de l’air, dont la mise en place de ZFE. Selon Bercy, la Commission européenne pourrait revenir sur son dernier versement, de 3,3 milliards d’euros en 2025.
« Supprimer sans prévoir aucune autre solution est un problème », a souligné Sandrine Nosbé (LFI), qui s’est abstenue en commission, comme le député Gérard Leseul (PS), qui a lui dénoncé « l’inconséquence de l’État » avec « des aides mal ciblées et insuffisantes pour les populations moyennes et fragiles ».
Le 12 mai, lors du « Roquelaure de la qualité de l’air » – une réunion d’élus tirant son nom de l’hôtel particulier accueillant le ministère de la Transition écologique –, les collectivités locales ont elles aussi souligné la chute des aides à l’acquisition de véhicules compatibles avec les ZFE, citant notamment la suppression de la prime à la conversion en 2024 et la révision à la baisse du bonus écologique.
Fort de ce constat, le ministère de la Transition écologique propose la relance à l’automne du “leasing social”, ce dispositif permettant aux ménages modestes d’obtenir une voiture électrique à 100 euros par mois. L’arrêté, qui sera examiné ce mardi 27 mai par le Conseil supérieur de l’énergie, définit un programme d’aide pour 50 000 véhicules, dont « au moins 5 000 seront réservés pour des personnes concernées par une ZFE », explique une source proche du dossier. Cette dernière évoque un coût de 369 millions d’euros. Suffisant pour rendre les zones à faibles émissions acceptables pour les députés ?
Le Bien Public