Interview. Pollution : « Les ZFE sont arrivées sans les mesures qui devaient les accompagner »

Selon la chercheuse Charlotte Liotta, les ZFE sont des décisions politiques de court terme. Pour être efficace, elle doivent s’intégrer dans un ensemble de mesures plus larges.
Charlotte Liotta, chercheuse en économie de l’environnement à l’université Autonome de Barcelone.
Est-ce que les zones à faibles émissions (ZFE) fonctionnent ?
L’objectif principal est d’améliorer la qualité de l’air. De ce point de vue, la mesure est justifiée. Les études menées en Europe, où l’on a un peu plus de recul qu’en France, montrent une réduction de la pollution de l’air (dioxyde d’azote et particules fines) lors de la mise en place de ZFE.
À Madrid par exemple, cela a réduit d’un tiers la concentration de dioxyde d’azote, un gaz nocif pour la santé. En Allemagne, les ZFE ont permis de réduire l’incidence des maladies respiratoires et cardiovasculaires.

Charlotte Liotta, chercheuse en économie de l’environnement à l’université Autonome de Barcelone. Photo DR
La mesure est critiquée pour son aspect inégalitaire socialement…
Il faut observer deux dimensions. Il y a des bénéficiaires : les habitants dans les ZFE respirent un meilleur air. Leur sociologie dépend de la forme de la ville, de quelle population habite où dans les villes, etc…
Par exemple à Paris, ce sont majoritairement les plus riches qui vivent dans le centre, mais à Bruxelles c’est l’inverse, ce sont surtout des populations modestes. Mais il y a aussi les perdants des ZFE, en termes d’accessibilité et de mobilité.
Globalement, ce sont les plus modestes qui en pâtissent, car ils possèdent davantage de vieux véhicules polluants, et habitent plus loin des transports en commun ou de leur lieu de travail. Nos recherches ont démontré que les employés et les ouvriers sont les plus impactés par une perte d’accessibilité à l’emploi à cause des ZFE.
« Les ZFE sont arrivées sans les mesures qui devaient les accompagner »Comment améliorer les choses ?
Les ZFE sont des décisions politiques de court terme, en visant un type de véhicule du jour au lendemain. C’est plus facile à mettre en place que des politiques publiques de long terme, comme améliorer le réseau de transport en commun, proposer des logements sociaux à proximité des emplois.
Mais les ZFE sont arrivées sans les mesures qui devaient les accompagner initialement : l’amélioration des transports en commun (les RER métropolitains notamment), le développement du vélo, l’accessibilité des logements… Il faut pourtant un ensemble de solutions plus large que les ZFE. Et cela n’a pas été pensé. On a interdit sans accompagner suffisamment.
Quelles sont les problématiques rencontrées avec la mise en place des ZFE ?
Déjà, les ZFE sont beaucoup moins impopulaires que ce qu’on pense : les études montrent qu’une majorité de citoyens les soutiennent. On a tout de même un problème d’information et de communication autour des ZFE. La population ne sait pas ce que c’est, où se renseigner, les endroits pour changer de véhicule…
Les bénéfices ne sont pas connus non plus, d’autant plus qu’il est question de qualité de l’air : c’est abstrait, on ne s’en rend pas compte. C’est pourtant une grande cause de mortalité, avec 47 000 décès prématurés par an.
Le Bien Public