L’Association Sportive des Sourds de Bordeaux vise le doublé

Déjà vainqueur de la Coupe de France en futsal sourds, le club bordelais disputera, samedi 14 juin, contre Paris, la finale de la Coupe de France de football sourds. C’est sa meilleure saison

Commençons par planter le décor. Le Paris Saint-Germain n’est pas le seul club français à être champion d’Europe de football. Le 31 mai, le Club Sportif des Sourds de Reims, sacré le 3 mai champion de France, a remporté à domicile la Deaf Champions League, la Ligue des champions des sourds, en battant en finale le POK Athènes. Comme chez les entendants, avec l’OM en 1993 puis le PSG en 2025, Reims est la seconde formation française à être sur le toit de l’Europe, après le Club Sportif des Sourds et Muets de Paris en 2023. C’est cette même équipe parisienne que l’Association Sportive des Sourds de Bordeaux (ASSB) va affronter samedi 14 juin à Caen en finale de Coupe de France.

Entraînés par Franck Chetrit, les Bordelais étaient cette saison pensionnaires de D2 en football classique, à 11 contre 11, alors que les Parisiens ont fini troisièmes de D1. Les hommes au lézard vert, leur mascotte, ont déjà inscrit une fois leur nom au palmarès de cette épreuve, en 1988.

Ce samedi, l’ASSB cherchera à faire coup double. Le 17 mai, l’association présidée par Thierry Grossoleil a en effet soulevé sa seconde Coupe de France de futsal, après celle gagnée en 2016, en même temps que le titre national, par son équipe féminine, qui n’existe malheureusement plus. La phase finale s’est déroulée à Poitiers. Il y avait huit clubs en lice. Coaché par Rachid Fayk, Bordeaux, membre de l’élite dans cette discipline, s’est imposé 7-2 en finale face à Mulhouse, qui s’était offert en février son premier titre de champion de France.

On ne pratique pas que le football et le futsal à l’ASSB. C’est une structure omnisports, qui propose également padel, tennis, pétanque et sport-boules. Il y a 83 compétiteurs au total, parmi lesquels 16 en futsal et 23 en football, une dizaine faisant les deux. Les personnes sourdes et malentendantes évoluent dans les mêmes équipes. La perte d’audition doit être d’au moins 55 décibels de la meilleure oreille sur trois fréquences déterminées. Les appareils auditifs sont interdits. La communication visuelle est évidemment primordiale. Les arbitres agitent une chasuble pour signaler les hors-jeu. Sinon, les règles sont les mêmes que chez les entendants.

L’association sportive bordelaise a été créée en 1914 et sa section football, dirigée aujourd’hui par Bertrand Wisniewski, en 1959. « À l’origine, les réunions se tenaient au premier étage d’un bar du quartier des Capucins », raconte Thierry Grossoleil. L’ASSB n’a jamais eu de club-house. Ce serait son vœu le plus cher. Pour les après-match, c’est indispensable. Les journées de championnat rassemblent quatre équipes sur un même site. Le club de Bordeaux n’a pas de lieu pour les recevoir. Pour dépanner, un établissement médico-social pour enfants sourds avec handicaps associés, le Cesda Richard Chapon, rue de Marseille, lui loue une salle de réunion le mercredi, plus un local pour des petites réceptions.

« Ce n’est pas facile financièrement », souligne le président de l’ASSB, qui a des doutes sur la pérennité du club. « Les dépenses annuelles, pour nos six sports, se montent à 60 000 euros. » Pour la saison 2024-2025, le Département de la Gironde lui a octroyé une subvention de 6 080 euros. Celle de la Ville s’établissait à 3 000 euros en 2023 et à 3 760 euros en 2024. Une aide exceptionnelle de 1 000 euros va être soumise au prochain conseil municipal pour sa participation à la finale de la Coupe de France.

Le plus onéreux, ce sont les déplacements. La saison prochaine, en D1 de football sourds, Bordeaux devra se rendre à Paris, Toulouse, Vitry et Reims. Pas la porte à côté. Les Bordelais vont remplacer dans l’élite les Marseillais, qui ont demandé à descendre d’un échelon pour des questions d’argent. Au niveau continental, la problématique est la même. Sur les 16 clubs qualifiés pour la Deaf Champions League, sept ont dû décliner l’invitation.

Il y a eu néanmoins une avancée cette saison. La mairie de Bordeaux lui prête une salle pour le futsal. L’ASSB s’entraîne le lundi, de 21 heures à 22 h 30, au gymnase Thiers. « Cela nous aide à progresser », constate le président. Les matchs officiels, qui nécessitent des tribunes, se déroulent à Eysines, Parempuyre ou Mérignac. Pour le football, l’entraînement est le jeudi au stade Bel Air, plus, depuis mai, à la plaine des sports Colette-Besson un soir par semaine. Un doublé dans les coupes serait historique. Un triplé même, puisque le club est champion de France 2025 en sport-boules.