À La Seyne, 150 clichés pour un tour du monde avec le grand photographe Marc Riboud

Un voyage dans le temps et à travers le monde. La Villa Tamaris, à La Seyne, accueille sa nouvelle exposition. Jusqu’au 21 septembre, 150 clichés de Marc Riboud investissent les lieux sous le nom L’Œil du voyageur. De l’Europe à l’Asie, en passant par l’Alaska et l’Afrique, le photojournaliste n’a cessé de sillonner la planète. Avec subtilité et pudeur, il a documenté les mutations et les événements aux quatre coins du globe, prenant soin de toujours placer les femmes et les hommes au cœur de ses compositions soigneusement élaborées. Bien qu’il soit décédé en 2016, son œuvre continue d’éclairer notre compréhension du monde. Un temps à ses côtés, Lorène Durret, commissaire de cette exposition, veille désormais sur son fonds à travers l’association Les Amis de Riboud.
"Marc Riboud disait lui-même qu’il était plutôt un promeneur qu’un voyageur. Il aimait prendre son temps", précise-t-elle. L’exposition s’ouvre sur la première escapade du reporter à l’étranger, en Yougoslavie. Une série inaugurale qui donne le ton de toute sa démarche. Pour mieux comprendre le travail de Marc Riboud et son influence, nous avons parcouru l’exposition en compagnie de Lorène Durret et sélectionné trois œuvres emblématiques à vous décrypter.
1. L’iconique "Le Peintre de la Tour Eiffel"C’est une photo que vous avez certainement déjà vue, peut-être sans savoir qu’elle est signée Marc Riboud: Le Peintre de la Tour Eiffel. Elle accueille les visiteurs en format tapisserie à l’entrée de l’exposition. Une image iconique à plus d’un titre. "Quand il décide de quitter Lyon pour devenir photographe, il s’installe à Paris. Il commence à capturer la ville, ses rues, ses monuments", raconte Lorène Durret. Dans son périple, Riboud grimpe sur la Tour Eiffel en cours de rénovation. Il tombe alors sur un ouvrier, suspendu à la structure d’acier, pinceau à la main, semblable à un danseur. Cet instantané, capturé sur le vif sera la première photo vendue et publiée de Riboud. Repéré par Henri Cartier-Bresson, il rejoint l’agence Magnum. "Et tout de suite, son réflexe est de partir voyager, voir ce qu’il se passe ailleurs", insiste la commissaire.
2. L’incontournable "La Jeune Fille à la fleur"Autre image emblématique du catalogue de Riboud: La Jeune Fille à la fleur. Prise en 1967 à Washington, en pleine guerre du Vietnam, cette photographie est également visible à la Villa Tamaris. On y voit une jeune femme faisant face à des soldats armés de leurs baïonnettes lors d’une manifestation contre la guerre. Elle tend alors une fleur devant son visage. "Marc Riboud l’a rencontrée bien des années plus tard, après qu’elle a eu connaissance de la photo. Elle avait seulement 17 ans à l’époque; elle s’appelle Jan Rose Kasmir. C’est une photo de paix, une image que les gens rejouent encore aujourd’hui, qui est vraiment entrée dans l’imaginaire collectif. Riboud s’en réjouissait d’ailleurs: que cette photographie circule et que chacun puisse se l’approprier", analyse Lorène Durret.
Pour l’anecdote, au moment d’appuyer sur le déclencheur, le photographe est presque au bout de sa pellicule. Il prend plusieurs clichés, et c’est le dernier qui sera retenu et publié par les journaux du monde entier. Dans l’installation, cette œuvre fait écho à une autre, prise cette fois au Vietnam, où l’on voit les ravages de la guerre en arrière-plan d’une scène de vie quotidienne, dans une composition encore une fois inspirée.
3. "Fenêtres d’antiquaire", la Chine comme jamaisMarc Riboud fait partie des rares photographes à avoir pu entrer en Chine communiste pour exercer son métier. Il s’y rend une première fois en 1957, puis en 1965 et en 1971, en pleine Révolution culturelle. Le travail dans les usines, dans les campagnes, mais aussi des scènes de vie quotidienne: il capture tout. Parmi les clichés les plus saisissants, les Fenêtres d’antiquaire, prise à Pékin, attire l’œil par sa composition: la photo est prise à travers une porte qui découpe la rue en plusieurs scènes.
"Il se fiait vraiment à son sens de l’observation. Même dans les années 1960, alors que certains intellectuels français affichaient des positions très pro-Mao, Marc a toujours gardé une certaine distance", explique la commissaire. Là encore, il place les femmes et les hommes au centre de son objectif. Une constante dans toute son œuvre.
à la Villa Tamaris, jusqu’au 21 septembre. Du mercredi au dimanche de 8h30à 12h et de 14h à 17h30. Entrée gratuite.
Au milieu des clichés de Riboud, une salle de la Villa Tamaris accueille le travail de Caroline Abitbol, qui a collaboré un temps avec le photoreporter. Ici, elle présente le fruit de ses voyages en Inde, un pays également arpenté par Riboud. S’il existe une certaine filiation entre les deux photographes, Caroline Abitbol propose « un regard complémentaire. Là où Marc était dans la narration et la documentation, elle est plus dans l’intimité », souligne Lorène Durret, commissaire de l’exposition. Pour cette série, la photographe est donc partie sur un coup de tête. « J’étais à Paris, j’ai rencontré des musiciens indiens. Ça m’a transportée. Le lendemain, je décidais de partir en Inde. J’ai commencé par le Bengale. » Elle livre ainsi des portraits de musiciens, s’intéresse à la spiritualité, et parvient même à approcher Mère Teresa, dont elle présente un portrait.
Var-Matin