Sonia Bompastor, seule vainqueure de la Ligue des champions en tant que joueuse et entraîneuse : "C'est la récompense de beaucoup de travail"
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Sonia Bompastor est une footballeuse internationale française qui a évolué au poste d'arrière gauche et de milieu défensif de 2000 à 2013. En 2022, elle est la première femme à remporter la Ligue des champions féminine en tant qu'entraîneuse après l'avoir remportée en 2011 comme joueuse. Elle possède 156 sélections en équipe de France, qui résonnent comme une sorte de symbole pour beaucoup de jeunes filles qui souhaitent jouer au foot. Elle a fait partie des joueuses qui ont essuyé les plâtres, qui ont construit quelque chose à partir de rien. Elle publie avec Farid Haroud, un livre autobiographique, Une vie de foot, chez Arthaud Editions.
franceinfo : Cet ouvrage vous a-t-il permis justement de prendre conscience de ce que vous aviez réussi à accomplir ?
Sonia Bompastor : C'est vrai qu'au départ, je le fais parce que je suis en confiance avec Farid et je me dis que ça peut permettre de laisser une trace à mes enfants. Et au fur et à mesure, on avance dans l'expérience et je comprends mieux qui je suis aujourd'hui et ce qui fait de moi la femme que je suis. Donc c'est une très belle expérience qui me permet de mieux comprendre certaines choses aussi.
Vous démarrez cet ouvrage sur un souvenir somme toute joyeux, mais en même temps douloureux, qui remonte à la finale de la Ligue des champions, en 2011. Vous expliquez que vous jouez ce match avec des chaussures qui ne sont pas du tout à votre taille parce que les équipementiers n'ont jamais pris la peine de s'occuper des féminines. Elle est terrible cette anecdote.
Oui, elle est terrible parce qu'on est en 2011 et qu'en fait, quand on compare à ce qui se fait déjà dans le foot masculin, on est à des années-lumière. En même temps, ce qui est paradoxal, c'est que je me contentais de ça.
"Je me disais que c'était normal de jouer peut-être le match le plus important de ma carrière avec des outils inadaptés."
Sonia Bompastorà franceinfo
C'est incroyable.
Quand on porte le drapeau français, et qu'on se rend compte que le pays dans lequel on est ne considère pas réellement le football féminin à la hauteur du football masculin, comment le vit-on ?
C'est triste parce que dans ce pays, il y a tout pour réussir. Dernièrement, ce qui nous fait encore un peu plus souffrir, c'est la comparaison avec l'Angleterre où justement, j'ai fait le choix aussi d'évoluer dans ma carrière en rejoignant le club de Chelsea. Un pays comme l'Angleterre n'est pas si différent du nôtre, il n'est pas si éloigné géographiquement et, il y a quelques années en arrière, il était derrière nous. Il y a une prise de conscience, ça va dans la bonne direction, mais on est trop lent et il y a de la colère.
Vous allez très loin dans cet ouvrage, vous abordez votre vie privée et ce mensonge qui a duré treize ans. Vous êtes tombée amoureuse de votre coéquipière Camille Abilly. Vous étiez persuadée que ce n'était pas normal et vous aviez peur du regard de vos parents. Vous avez mis énormément de temps à leur dire et finalement, leur réaction a été incroyable des deux côtés.
Il y a plusieurs épreuves dans tout ce qu'on raconte. La première, c'est de l'accepter soi-même et d'essayer de comprendre ce qui se passe, quand vous avez pour la première fois l'attirance pour une femme. La réaction de mon papa en fait, quelque part, je ne pouvais pas imaginer autre chose parce que mon papa est quelqu'un de très cool dans la vie. Depuis que je suis née, franchement, il n'y a rien qui ne fâche mon père. En fait, je ne sais même pas pourquoi, moi-même, j'avais pu imaginer qu'à un moment donné, ce serait difficile pour lui de l'accepter. Encore aujourd'hui, c'est un sujet qui n’est pas forcément évident à aborder parce que ce n'est pas naturel, ce n'est pas forcément ce que j'ai envie de mettre en avant et c'est très complexe parce qu'en fait, c'est certainement ce dont je suis le plus fier dans ma vie.
Il y a eu un déclic quand même pour cette annonce, c'est la naissance de votre première fille. Est-ce que votre plus grande fierté, c'est d'avoir construit cette famille ?
Forcément. Il y a aussi mon couple avec Camille.
"Je pense que la fierté vient aussi du fait d'être deux femmes, d'avoir cette vie de famille avec quatre enfants et d'avoir réussi à mener à la fois vie personnelle et carrière professionnelle."
Sonia Bompastorà franceinfo
Je me disais que ce n'était pas possible. Il faut être bien organisé, il faut anticiper pas mal de choses, mais c'est possible et on en est les exemples.
2011 Ligue des Champions en tant que joueuse, 2022 en tant qu’entraîneuse. Vous appartenez au club très fermé des Zinédine Zidane, ou Pep Guardiola, vos équivalents masculins. Ça représente quoi pour vous d'être cette seule et unique femme à avoir remporté cette Ligue des champions avec deux fonctions différentes ?
Je le vis comme la récompense de beaucoup de travail, beaucoup d'efforts. Je suis une personne très exigeante et au quotidien, je laisse peu de place à l'improbabilité. En tout cas, je suis soucieuse des détails, donc c'est encore une fois de la fierté. En même temps, je suis parfois un peu gênée parce que quelque part, il y a de la pudeur. Depuis le plus jeune âge et encore aujourd'hui, j'ai la volonté de rester discrète, parce que c'est ce qui me caractérise. Donc, je suis un peu partagée, mais ce sont des sentiments très positifs et agréables.
Francetvinfo