Stade Toulousain : Dupont, Mauvaka, Capuozzo, le véritable poids des absences

ANALYSE - Le champion de France en titre entame le sprint final du Top 14 face à Bayonne sans trois incontournables cadres. Les solutions de remplacement n’ont pas (encore) toutes convaincu.
Les données brutes sont sans équivoque. Le Stade Toulousain n’a jamais été aussi prolifique sur le plan offensif. «L’attaque du siècle», selon nos confrères de L’Équipe. Avec 118 essais inscrits en 26 matchs cette saison en Top 14, les Rouge et Noir ont établi une nouvelle marque record, dépassant celle qu’ils avaient établie... la saison précédente (103). Soit 4,5 essais par rencontre. Un toutes les 18 minutes.
Donc, c’est clair. Malgré les absents, Antoine Dupont en tête, le Stade Toulousaine n’a jamais été aussi fort ? Le raccourci est tentant, mais fallacieux. Déjà, lors des trois (!) matchs de Top 14 disputés avec leur demi de mêlée, les champions de France ont tourné à un essai toutes les 13 minutes... Et Antoine Dupont, qui n’a disputé que sept rencontres (avec la Champions Cup) cette saison avec son club avant de se blesser gravement au genou le 9 mars lors du Tournoi des six nations, a inscrit… 7 essais (la moyenne est simple à calculer). Soit un de plus que sa doublure, Paul Graou, 6 essais inscrits en 20 apparitions (dont 16 titularisations) en championnat.
Affirmer que Toulouse serait meilleur sans sa star serait, évidemment, une hérésie. Par son aura auprès de ses partenaires (mais aussi auprès de son manager Ugo Mola et des… arbitres), sa justesse stratégique et technique, sa capacité unique à créer des brèches ou à être le premier au soutien, Antoine Dupont est sans égal. Ajoutons que le meilleur joueur du monde monopolise deux, voire trois, défenseurs, ce qui libère des espaces pour ses coéquipiers. Une autre statistique pour le prouver. Avec seulement quatre rencontres au compteur cette saison en Champions Cup, «Toto» termine premier au classement des passes après contact (18, à égalité avec... Matthieu Jalibert).
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Sans faire offense à Paul Graou ou au Japonais Naoto Saito (17 feuilles de match, dont six titularisations, cette saison en Top 14, 1 essai inscrit), ils ne présentent pas les mêmes atouts, ne disposent pas de la même palette, que le grand absent. Le premier nommé pèche parfois par une envie d’en faire trop, semant la pagaille dans le plan de jeu toulousain. On peut également citer, parfois, une naïveté défensive. Le second, à l’inverse, est trop scolaire. Il distribue le jeu comme un métronome, vif et adroit, mais il lui manque l’audace de tenter des coups en solitaire.
Antoine Dupont fait donc défaut à son équipe dans la quête d’un triplé en France. Comme il a pu manquer lors de la demi-finale de Champions Cup perdue contre l’UBB début mai. Une perte majeure, qu’Ugo Mola s’efforce de dédramatiser. «Sa blessure a marqué tout le monde. Mais elle est arrivée suffisamment tôt pour que le groupe se construise un peu différemment et fasse preuve, un peu plus tôt, de résilience et de performance. On a fini, malgré lui, ou sans lui, avec une performance plutôt correcte sur l’ensemble de la saison, a souligné ce jeudi le manager du Stade. Évidemment qu’Antoine nous manque. Mais le groupe s’est adapté, on n’a pas joué de la même manière. On a des demis de mêlée qui ont pris la mesure du poste. Et on s’est aussi un peu adapté à eux.»
En est-il de même avec Peato Mauvaka, off depuis fin avril et pour de longs mois (rupture ligament croisé du genou) ? En l’absence du talonneur des Bleus, le Stade Toulousain dispose encore de l’autre n°2 du XV de France, Julien Marchand, et du jeune Guillaume Cramont, l’espoir montant. Un coup d’œil sur les stats individuelles s’impose de nouveau.
Mauvaka n’a pas joué tant de matchs que cela cette saison sous le maillot toulousain : 13 (dont 8 titularisations) pour 5 essais inscrits. Cramont compte, lui, 19 apparitions (7 titularisations) et 6 essais personnels. Julien Marchand a repris le statut de titulaire (9 fois) et a apporté lui aussi son écot (4 essais). Certes, les profils et les styles (plus coureur et explosif pour Mauvaka, plus puissant et gratteur pour Marchand) diffèrent, mais le rendement de la touche, par exemple, n’a pas été affecté. Conclusion ? La perte de Mauvaka ne semble pas la plus pénalisante pour les Rouge et Noir sur la route du bouclier de Brennus.
Dernier cadre qui va rater la phase finale, Ange Capuozzo. Cette saison, avant d’être victime d’une fracture du péroné gauche le 8 juin contre Perpignan, l’ailier franco-italien était le meilleur marqueur d’essais du Stade Toulousain, tant en championnat (9) qu’en Champions Cup (5). Soit 14 ballons aplatis en 23 apparitions (17 titularisations). Sa contribution au jeu toulousain ne s’arrête pas là. Des relances décisives, des crochets déroutants, une menace constante pour les défenses adverses.
On ne peut pas en dire autant de ses concurrents pour une place à l’aile. Si l’Écossais Blair Kinghorn, avec sa sûreté sous les ballons aériens et son jeu du pied, possède de sérieux atouts, il marque peu (3 essais en 13 titularisations en Top 14 cette année). Problème, le Lion britannique revient tout juste d’une sérieuse blessure (entorse ligament latéral interne du genou droit) et d’une longue absence (il n’a plus joué depuis le 26 avril). Il va donc devoir retrouver le (bon) rythme sans le moindre délai.
Sinon ? Matthis Lebel ? 2 essais en 18 titularisations. Nelson Épée ? 2 essais en 4 titularisations. Dimitri Delibes ? Le candidat est très intéressant : 5 essais en sept titularisations à l’aile cette saison. Mais il est désormais régulièrement aligné au centre de l’attaque toulousaine.
Reste le couteau suisse Juan Cruz Mallia. Toujours surprenant, talentueux sans conteste, mais ce n’est pas un véritable ailier, ses qualités s’exprimant mieux à l’arrière ou à l’ouverture. Comme le prouve sa ligne de stats : 10 essais inscrits cette saison (toutes compétitions confondues), mais un seul en évoluant à l’aile. Un poste où il n’a dépanné que trois fois en 19 titularisations. On peut donc affirmer sans se tromper que le forfait d’Ange Capuozzo pour le sprint final constitue une grosse perte pour l’armada offensive de Mola.
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