Alimentation saine : ouvrir le champ des possibles
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Au sortir de trois années marquées par l’inflation, le prix constitue, pour la majorité des Français, le principal frein à l’adoption d’une alimentation de qualité. Paradoxe ultime : ceux qui nous nourrissent n’ont parfois pas eux-mêmes les moyens de s’alimenter correctement. Peut-on collectivement l’accepter ?
Bien manger devrait être un droit fondamental, qui ne s’arrête pas à la consommation de cinq fruits et légumes par jour. Il s’agit de construire un système capable de nourrir les générations actuelles et futures, qui respecte le vivant et la biodiversité. Peut-on admettre que nos aliments fassent le tour de la Terre ? Ou qu’il faille les gorger de pesticides pour répondre à une demande mondialisée ?
Tribune
Cette situation reflète les limites de notre modèle de consommation et appelle une transformation profonde. Car les produits moins chers, souvent les moins respectueux et à la nocivité parfois avérée, sont devenus la norme.
Tant qu’on acceptera de commercialiser des denrées alimentaires produites en masse, à l’autre bout du monde et à grands coups de produits chimiques, les produits bios et locaux resteront désavantagés. Des tonnes de denrées parcourent des milliers de kilomètres, avec un coût environnemental vertigineux. Cette dépendance structurelle affaiblit nos filières locales et rend illusoire toute souveraineté alimentaire. Et pourtant, rendre le logo Origin’Info obligatoire est absent de l’agenda politique.
Tant que les produits issus de l’industrie de la malbouffe bénéficieront d’une meilleure promotion que les produits de qualité, le déséquilibre perdurera. Les produits ultratransformés, riches en sel, sucres et matières grasses bon marché, inondent médias et rayons. Et si quelqu’un osait enfin rendre le Nutri-Score obligatoire et interdire la publicité sur les produits les plus mal notés ?
Tant que la grande distribution continuera la guerre des prix, l’accessibilité des produits de qualité restera réduite. Il n’y a aucune fierté à vendre des côtes de porc à deux euros le kilo. Ce prix est destructeur, sans rapport avec la valeur réelle du produit. Le sentiment d’accessibilité qu’il donne est illusoire : ce sont les salaires de ceux qui travaillent, de la ferme jusqu’au chariot du consommateur, qui servent de variable d’ajustement. Combien de loi Egalim faudra-t-il pour que le prix permette enfin une meilleure rémunération tout le long de la chaîne de valeur ?
Tant qu’on laissera entendre qu’une alimentation locale, bio et équilibrée est l’apanage des privilégiés, une partie de la population continuera de penser que ce n’est pas pour elle. Pourtant le vrac, les fruits et légumes locaux, de saison et le fait maison sont autant de vecteurs d’accessibilité. Changer ses habitudes d’achats alimentaires passe par une transformation culturelle qui n’est pas de la seule responsabilité des consommateurs. Quel signal, en la matière, lorsqu’on supprime le budget de communication de l’Agence Bio ?
Tous ces mécanismes, parce qu’ils assèchent la demande en produits vertueux, alimentent un cercle vicieux. Et pour les ménages les plus précaires, c’est la double peine : ces produits moins chers et de mauvaise qualité font rimer ultratransformation avec malnutrition, et précarité avec problèmes de santé.
Pourtant, il y a des opérateurs qui s’engagent à travers des initiatives vertueuses. Ensemble, ils interrogent nos modèles de solidarité, comme la Sécurité Sociale de l’Alimentation qui porte le droit à une alimentation de qualité au même niveau que le droit à la santé. C’est bien sûr insuffisant, mais l’initiative ouvre le champ des possibles. Et nous renvoie à notre responsabilité de société, qui d’une part déborde de richesses, et d’autre part laisse tant de personnes dans la misère. Ces exemples doivent nourrir nos politiques et influencer les acteurs économiques. Pour définir des règles vertueuses qui nous obligent à un monde plus équitable, plus solidaire… et plus responsable.
Libération