Guerre ouverte entre le CHU de Nice et la Fondation Lenval: on vous explique pourquoi

Le torchon brûle-t-il entre le CHU de Nice et la Fondation Lenval? Oui. Et c’est peu dire. La guerre est carrément déclarée entre les deux établissements de santé qui s’invectivent par communiqués de presse interposés avec, au milieu de tout ça, des batailles rangées entre les syndicats, des scuds tirés de part et des bisbilles autour des chiffres. Pour le comprendre, il faut garder en tête que ces deux entités, l’une publique l’autre privée à but non lucratif, se sont rapprochées en 2013, en signant un partenariat à l’initiative de l’ARS Paca pour mutualiser la pédiatrie. Sauf que les rouages ne sont pas si bien huilés.
Retour sur les faits récents. Au cours de ces cinq dernières semaines, quatre rassemblements ont été organisés devant la Fondation Lenval, dont le dernier le 3 juin, sous les drapeaux de la CGT, FO et la CFE-CGC. Sauf que la CFDT s’agace car elle ne partage pas leur position d’autant qu’elle est majoritaire au sein de l’établissement. Son secrétaire, Pierre-Yves Navarre, "dénonce les tentatives d’instrumentalisation des évolutions en cours de l’organisation du travail à Lenval" dans un communiqué publié le 5 juin. "Ces actions desservent, l’ensemble des salariés et fragilisent l’institution. La prolifération d’accusations infondées ne vise qu’à une chose: déstabiliser la Fondation Lenval, ses salariés et son modèle et favoriser une tentative d’OPA du CHU sur ses ressources uniques dans la région. (...) La CFDT Lenval refuse les postures idéologiques et les procès d’intention."
50 à 100 grévistes sur 1500 salariés de LenvalQuelques heures plus tard, la direction de l’hôpital pédiatrique prenait la plume et dézinguait au long de 8 pages le CHU de Nice et son président de CME (Commission médicale d’établissement) Jacques Levraut qui avait lancé une attaque sous forme, là encore, de communiqué de presse dès le 2 juin.
Ce dernier y écrit "souhaite [r] alerter publiquement sur la situation gravement préoccupante au sein de l’établissement pédiatrique Lenval de Nice, marquée par des risques psycho-sociaux affectant profondément les professionnels médecins, soignants et administratifs et compromettant la qualité, la sécurité et la continuité des soins prodigués aux enfants." Il évoque, entre autres, "climat délétère", "brutalité managériale" et "désinformation". Il argumente: "La présidence de la CME de la Fondation a été écartée des décisions; la gouvernance de la Fondation a affiché une volonté de subordination du corps médical; les praticiens en lien avec le CHU ont été accusés de déloyauté, voire de trahison; une campagne interne a visé à discréditer leurs actions". Il rappelle aussi que "plus de 500 professionnels non médicaux ont signé une pétition alertant sur les risques psycho-sociaux" et que "89médecins ont saisi le procureur de la République au titre de l’article 40 du Code de procédure pénale", glissant également que "deux (sic) mouvements de grève massifs ont mobilisé chacun plus de 100 soignants".
Et la Fondation Lenval de riposter, en commençant par les chiffres: "les mouvements de grève récents n’ont rassemblé qu’une cinquantaine de personnes au maximum (sur 1.500 salariés!), en majorité des personnels du CHU extérieurs à la Fondation". Car il faut comprendre qu’au sein du personnel Lenval figurent "des personnels sous statut de la fonction publique hospitalière mis à disposition par le CHU de Nice représentant moins de 8% des effectifs (dont 69médecins sur 161). Ils bénéficient de la garantie d’emploi liée à leur statut", indique la Fondation qui embraye: "Ils sont les principaux soutiens et promoteurs de la tentative de prise de contrôle en cours qui menace directement au moins 150 emplois des fonctions support administratives, techniques, logistiques au sein de la Fondation et constitue une source d’inquiétude et de stress au travail pour tous ses salariés".
"Une coopération initiale trahie"Elle fustige l’hôpital public décrivant "une coopération initiale trahie". Et argumente: "En 2013, (...) un partenariat innovant entre Lenval et le CHU de Nice a été mis en place: la Fondation devait accueillir l’ensemble de la pédiatrie, y compris universitaire. Lenval a tenu tous ses engagements — jusqu’à se séparer pour l’euro symbolique de sa maternité Santa Maria pour permettre l’arrivée de celle du CHU. Le CHU n’a jamais transféré sa maternité, ni les deux services pédiatriques restés à l’Archet. En 2017, le CHU renonce à construire le bâtiment hospitalier de 54 millions d’euros prévu dans l’accord, en raison de sa situation financière difficile. Depuis, aucun projet commun viable n’a été porté. Pire: en 2024, le CHU dépose unilatéralement un projet de transfert de toute la pédiatrie vers l’Archet, pour un montant de 65 millions d’euros, en violation manifeste des termes du partenariat de 2013. Il est faux de prétendre que ce projet de regroupement serait abandonné et ne serait plus justifié; il doit être adapté. Dans le souci de la sécurisation du parcours de soins et dans l’intérêt des enfants, la Fondation Lenval demande que les deux services restés à l’Archet soient intégrés à l’hôpital Lenval comme prévu."
L’établissement de l’avenue de la Californie défouraille à tout va, parlant d’"une stratégie de contournement et de pression du CHU de Nice pour ne pas assumer ses responsabilités. (...) [Il] est à l’origine du climat délétère qu’il prétend dénoncer." A noter, qu’en janvier dernier, une crise a secoué la direction du CHU, mise en cause pour son management et sa gestion par d’anciens directeurs et des chefs d’établissements du GHT (Groupement hospitalier de territoire).
Et de conclure en évoquant ses projets: "Plutôt qu’un déplacement de la pédiatrie maralpine sur le site de l’Archet, totalement inadapté, par un opérateur qui à ce jour ne porte que 3% de l’offre de soins [du département contre « 52% pour Lenval"], la Fondation Lenval porte [pour les années 2026-2030] un projet structurant et immédiatement réalisable: le Centre Intégré de Santé de l’Enfant, sur son site historique, avenue de la Californie. »
Sollicités, les deux établissements n’ont pas souhaité commenter, renvoyant aux communiqués.
Nice Matin