Magredi : toute la richesse des terres maigres du Frioul

À bien y réfléchir, cela ressemble presque à un oxymore : le Frioul-Vénétie Julienne est la plus pluvieuse des vingt régions italiennes, et pourtant, elle abrite l'une des régions d'Italie qui ressemble le plus aux grandes steppes eurasiennes. C'est le Frioul, en somme, mais lorsqu'on s'y trouve, on se croirait en Russie, au Kazakhstan ou dans la pusta hongroise. On les appelle Magredi , les terres maigres : une zone aride, aux ressources limitées en eau douce, où le regard se perd dans une longue plaine de gravier, de rochers et de végétation basse, sans un arbre à l'horizon, jusqu'à apercevoir les montagnes, au loin.

Ce sont des terres pauvres, peu propices aux activités productives, mais en les découvrant, vous découvrirez leur richesse paysagère et naturaliste, leur valeur due à un écosystème fascinant et unique, et tout simplement la beauté d'un scénario rare et incomparable, destiné à rester dans la mémoire du visiteur.

Où sont les Magredi et que sont-ils ?

La zone de Magredi couvre une superficie d'environ 10 000 hectares dans la partie occidentale du Frioul, qui touche douze communes de la province de Pordenone, parmi lesquelles se distinguent Cordenons et Vivaro , un petit village enfermé entre le lit des rivières Meduna et Cellina.

Les deux cours d'eau sont à l'origine de ce contexte naturel particulier. Au fil des millénaires, la Cellina et la Meduna ont transporté d'importantes quantités de débris des montagnes frioulanes vers la vallée et, au nord-est de Cordenons, les matériaux les plus fins se sont déposés. Une étendue graveleuse s'est ainsi créée, laissant naturellement l'eau s'infiltrer dans les couches inférieures du sol. Ainsi, les deux rivières disparaissent ici, cachées aux yeux des créatures de la surface, ne laissant place qu'à une vaste étendue grise.

En fonction de la proximité de la langue de gravier déposée par la rivière, on peut identifier trois sous-catégories du Magredi : le lit de la rivière est la bande pierreuse, où seuls de petits arbustes et quelques herbes se détachent, tandis que les mousses et les lichens règnent en maîtres ; le magredo primitif est une zone plus stable, où poussent certaines plantes résistantes aux environnements arides, comme la splendide bruyère, avec ses petites fleurs roses mélancoliques qui s'ouvrent à perte de vue ; enfin, le magredo évolué, une bande encore plus extérieure semblable à la prairie, où l'herbe pousse épaisse et forte.

En hiver, des arbustes et des herbes verts et résistants poussent parmi les rochers du Magredi, rappelant les plaines d'Asie centrale. En été, tout jaunit, évoquant une savane, sans perdre son charme et sa beauté. Au lieu des lions et des gazelles, ces terres sont le royaume des lièvres et des sangliers, mais surtout de nombreux oiseaux rares, comme l'œdicnème criard, qui pond ses œufs au sol et se camoufle dans le gris-vert du sable, du gravier et de la végétation sporadique.

Comment visiter le Magredi

Les Magredi sont une région extrêmement polyvalente et accessible à tous. On y trouve des sentiers de randonnée, des pistes de VTT et des itinéraires à cheval.

Pour une courte promenade, le Biotope de San Quirino , près de la ville du même nom, est l'endroit idéal. En entrant dans le Site d'Intérêt Communautaire de Magredi del Cellina, vous pourrez vous aventurer à la découverte des trois zones : au début, vous rencontrerez des prairies et des champs cultivés, puis découvrirez progressivement des terres de plus en plus arides et stériles, parsemées ici et là de fleurs colorées. Seul un profond silence règne autour de vous, et votre regard se perd dans les imposantes montagnes à l'horizon.

Pour les amateurs de deux-roues, la région est traversée par l' Anneau des Magres , un itinéraire circulaire d'environ 42 kilomètres qui traverse Vivaro et San Foca, au cœur des steppes frioulanes, avant de rejoindre Maniago . Ce parcours simple, avec un dénivelé minimal en montée, offre la possibilité d'explorer l'ensemble du territoire.

Les sources de Vinchiaruzzo

Si les Magredi tirent leur force de la pauvreté en eau, un peu plus au sud, les Risorgive del Vinchiaruzzo font exactement le contraire : dans la basse plaine au sud-est de la ville de Cordenons, les eaux des bassins montagneux refont surface et sont masquées par les Magredi. Le sol y est argileux, empêchant l'eau de pénétrer dans les profondeurs de la terre, la ramenant à la surface.

L'eau qui s'écoule du sol s'accumule dans des sources, appelées olle, donnant naissance à de petits étangs circulaires et à des canaux, dans une zone où la nature est luxuriante et la verdure abonde : les saules et les peupliers caractérisent les abords immédiats des rives. Différents sentiers sillonnent la région, permettant au visiteur d'explorer chaque recoin de ce petit coin du Frioul.

Le contraste entre la région de Magredi et les Résurgences de Vinchiaruzzo est saisissant, mais il est facile de comprendre à quel point ces deux contextes sont jumeaux et indissociables. Un itinéraire idéal consiste à partir de l'exploration des Magredi au nord de Cordenons et à rejoindre, à pied ou à vélo, la région des Résurgences, en explorant comment la nature peut vivre de contradictions apparentes.

Cordenons et le Noncello

Découvrir les Magredi et le Risorgive est, en somme, une grande aventure aquatique : de l'absence soudaine d'eau à la richesse totale. Tout tourne autour d'un seul centre de gravité : la ville de Cordenons , aux portes de Pordenone.

Les deux lieux partagent l'origine étymologique du nom : Pordenone dérive de portus naonis, le port du fleuve Naone, tandis que Cordenons dérive de curtis naonis , la cour sur le fleuve Naone.

Naone est l'ancien nom du Noncello , une petite rivière avec un cours d'à peine onze kilomètres, mais dont la navigabilité dans l'Antiquité avait mis Pordenone et Cordenons sur la carte.

Pour compléter une visite sur le thème de l'eau dans la région de Magredi, vous ne pouvez pas manquer une visite à ce cours d'eau de source, avec une promenade le long des rives de la rivière qui part du centre-ville de Cordenons et rejoint le parc fluvial de Noncello dans le centre de Pordenone.

Si, dans l'Antiquité, Cordenons jouissait d'une plus grande importance que l'actuelle capitale provinciale, les rôles se sont inversés à partir du XVIe siècle. Relativement isolée entre la zone des terres maigres et le cours du Noncello, Cordenons a conservé des traditions dont elle est fière, comme un dialecte d'origine frioulane différent de celui de Pordenone, clairement d'influence vénitienne.

La ville de Cordenons mérite une visite pour découvrir la Villa Badini Pasqualini , un exemple classique de villa vénitienne du XVIIIe siècle parmi les plus importantes de la région, et les œuvres d'art conservées dans la cathédrale de Santa Maria Maggiore, datant également du XVIIIe siècle.